DOSSIER PRESQUE TECHNIQUE...DE WELLINGTON (NZ)
Vu et appris en deux semaines avec les Hurricanes et trois matches
références :
Hurricanes-Réserve des Lions
Hurricanes-Crusaders
Brumbies (Canberra)-Hurricanes
Dossier à 4 mains avec Raphaël Lagarde…
Je
ne m’étais jamais intéressé à l’entraînement physique spécifique avant de voir
jouer Tiger Woods et remporter son premier Masters en 1997. Président de l’AS
du Golf de La Forteresse, j’avais la chance d’avoir autour de moi des professeurs
d’EPS qui jouaient dans ce club et nous avons imaginé des entraînements plus
sportifs pour monter de niveau en équipe.
Dans
le même temps au Lycée de Fontainebleau, Hervé Marcel, mettait en place une
première section étude et golf. Nous avons discuté longtemps sur le sujet et
personnellement j'ai tenté de suivre son programme. J'ai compris alors que la gestion du physique jouait très fortement
sur mes résultats. Pendant ce temps, les résultats de Woods se sont multipliés
et la physionomie des joueurs professionnels s’est transformée.
Au
même moment, le rugby professionnel faisait ses premiers pas et nous avons vu
des silhouettes se renforcer. Dans un premier temps plus chez les Anglo-saxons
que chez les français mais avec le temps cela s’est équilibré. Certains
compléments alimentaires autorisés ici et pas là y sont sans doute pour beaucoup.
Le
rugby de l’hémisphère Nord est différent de celui des pays du Sud, ce n’est pas
inventer la poudre que de le dire à l’époque où l’on vit. Nous jouons moins vite, la force prime sur la vitesse.
Il
est maintenant clair que l'ancienne équipe de direction FFR a décidé de privilégier la masse au profit de
la vitesse. Le Top 14 en est le reflet. Dans un message JJ Sarthou, Professeur
d'Université au STAPS Nanterre ajoute : "En rugby, la FFR a opté pour un plan de
formation qui me semble souvent restrictif : de la technique décontextualisée
et du jeu au poste précoce. A l'opposé de ce que préconisent toutes les
recherches sur la psychomotricité, et à l'opposé des formations de l'hémisphère
sud"
Et
les résultats internationaux de nos équipes (XV - VII - masculins, féminines),
ne viennent pas donner de crédit à ce plan de formation.
Il
existe pourtant des alternatives, notamment en greffant la construction de la
technique dans le jeu, en lien avec la prise d'information et surtout "le
jeu", "le match"."
Je m’ennuyais devant les matches avant de me réveiller l’an dernier en Australie. Lors d’un premier match de Super Rugby vu sur le terrain, j’ai trouvé des joueurs puissants, jeunes mais plutôt élancés, rapides et endurants.
J’ai
aussi vu un joueur largement à son avantage avec les All Blacks comme Ma’a nonu
devenir un joueur quelconque à Toulon. Lourd et perdant son efficacité. Les
matches du Top 14 ne nous montrent pas de progrès permettant d’exister sur la
scène internationale. G. Novès semble avoir décidé de tout changer. Mais
changer vers quoi et pour quoi faire?
Je
suis parti en Nouvelle Zélande pour connaître mieux ce pays dont je retiens une
immense qualité : la capacité à s’adapter, une grande flexibilité. Venir
pour voir jouer les All Blacks chez eux faisait partie du projet. Quand on ne
sait rien autant apprendre des meilleurs. L'an dernier le pays m'a plu. Je voulais comprendre mieux et noter ce qui peut m’aider à améliorer
mon quotidien, non pour parader mais pour suivre mon chemin. Je ne le connais
pas depuis si longtemps. Le jour de 2005 où j’ai compris que je m’étais trompé,
je suis parti et j’ai changé de vie sans me retourner.
Le
rugby de Nouvelle Zélande me permet de comprendre par le menu comment s’engraine la vie. Elle est simple, le rugby aussi. Les athlètes sont préparés dès l’école, le sport est intégré à l'éducation des enfants.
Chacun fait aujourd'hui ce qui lui plaît quand il grandit alors que peut-être avant le seul sport
facile à jouer était le rugby. Maintenant c'est plus ouvert. Amusant de voir comment en ville les gens sont habillés
l’impression qu’ils sont toujours prêts à faire du sport. Le rugby n’est pas
privilégié, il est simplement bien organisé, cohérent du sommet à la base et de
la base au sommet. En 2017, environ 150000 licenciés pour ce sport.
Les
codes de notre monde actuel sont tournés vers la performance. Je ne trouve plus
cela très moderne mais je ne pourrai changer le monde. Les jeunes qui aiment le
rugby ont aujourd’hui la possibilité d’en faire un métier. Pensez donc, pouvoir
gagner un peu d’argent avec l’objet de sa passion rien de tel pour se
motiver !
Seulement
pour entrer dans des équipes d’élite il faut avoir le potentiel d’un joueur de
haut niveau, des qualités physiques naturelles et une foi chevillée au corps
pour assumer les efforts à réaliser pour affronter la concurrence. Atteindre le
label d’athlète de haut niveau n’est pas donné à tout un chacun. Une fois
arrivé pour le rester c’est beaucoup de travail pour encore progresser , conserver son efficacité.
Même
en Nouvelle Zélande avec un projet piloté par la Fédération il existe des différences
entre les villes pour faire que les jeunes joueurs atteignent le haut niveau
des 14 équipes des Unions, les cinq franchises et les All Blacks. J’ai passé
quelques jours avec les Hurricanes (Wellington) qui préparaient leur dernier match de saison régulière contre les Crusaders (Christchurch), invaincus cette année. En lever de rideau les Hurricanes avaient préparé
une équipe de joueurs de moins de 18 ans triés sur le volet entraînés 5 jours
pour apprendre comment devenir joueur professionnel. Ils devaient jouer contre
leurs homologues, les Knights Crusaders émanation des jeunes du Canterbury et
de Tasman. Sur ces deux matches des différences de préparation et de stratégie
mais une base de jeu confirmée pour la dextérité, la vitesse.
Mes
observations sur les matches des Hurricanes face aux Lions et aux Crusaders ont
un point commun, même avec les jeunes : les Hurricanes tiennent la
distance. Ils sont dominés en début de rencontre puis maintiennent le cap et
finissent plus fort que leurs adversaires.
Autre
observation plus générale, j’ai été surpris durant la tournée des Lions que les
équipes en cours de préparation et celles du Mardi soient aussi souvent battues
par les franchises. Le rugby français n’est pas seul à être dépassé dans le
jeu et dans la préparation des joueurs.
L’observation
de l’entraînement montre beaucoup de courses, une intensité proche de celle des
matches. Tous les ateliers sont bâtis sur des situations de jeu. Certaines
phases permettent « l’improvisation » lorsque le thème est attaque-défense. La polyvalence des joueurs est visible dans leurs capacités à faire
des passes dans le temps juste. Des exercices sont mis en place pour cela par
les différents coaches responsables des lignes. Ce travail très minutieux est fait avec une grande intensité, beaucoup de vitesse, une grande concentration. Un travail de qualité qui se voit en match ensuite.
Cela
valait le coup de demander son avis à Raphaël Lagarde, en stage dans le staff
chargé de la préparation physique des Hurricanes. Il s’occupe des GPS et des
exercices individualisés des joueurs, préparation d’avant saison et remise en
forme pour les blessés.
Son profil de métier : Licence STAPS option
"Entrainement Sportif" et deux Diplômes Universitaires. Pour son
métier il a préféré la formation des spécialistes de terrain qui sont encore en
activité que de passer un Master où n’interviennent le plus souvent que des
professeurs d’université et des chercheurs.
Pour
le haut niveau comme vous vous en doutez, les connaissances sont très pointues.
Pour être au point comme il le voulait, il a dû faire des choix :
« J'ai
souhaité m'arrêter à la Licence. Déjà en troisième année je me disais que je ne
pouvais pas continuer dans un cursus "normal" car les connaissances
et apprentissages sont trop pauvres et pas en phase avec les besoins de compétences pour la haute performance
actuelle. »
Les
diplômes universitaires qu'il s'est choisi ont des parties pratiques :
« Lors
de mon dernier D.U. j'ai pu valider mes Brevets Fédéraux Niveau 1
"Initiateur" en Haltérophilie et Force Athlétique. J'ai également
validé un Certificat de Compétences au CREPS de Montpellier : "préparateur
physique pour sportifs de haut niveau". »
Raphaël
n’a découvert le rugby qu’en arrivant à l’Université avec JJ Sarthou. Son œil
est donc tout neuf, en découverte sur l’adéquation du jeu en relation avec la préparation des athlètes.
Au
plan pratique Raphaël a eu une expérience avec les jeunes du Racing 92, puis en suite Béziers
avec Manny Edmonds (Australien). Chez Hurricanes son travail est beaucoup plus précis.
La
course aux connaissances dans le domaine est importante, mais il faut trier les
informations recueillies :
« Je
continue à me documenter tous les jours : études scientifiques, internet,
livres, blogs, … etc. En prenant bien soin de trier la qualité des
informations car tout n'est pas bon à prendre. Il faut par exemple prendre en
compte que beaucoup d'études sont faites sur des sujets sédentaires ou qui ne
sont pas sportifs de haut niveau. Donc les progrès que tu peux noter sur ce
genre de groupes ne sont pas transférables sur un groupe d'athlètes de haut
niveau. Il est facile d'augmenter les "perf" de 15-20% d'un
sédentaire. Mais pour un sportif de haut niveau, ses standards sont déjà
tellement élevés que tu ne peux augmenter sa "perf" que seulement de quelques pour-cent (1 à 5%). Et pour obtenir au mieux ce 1 à 5%, il faut être très
précis dans ce que tu prescris. »
Evidemment,
pour produire un effort physique, il faut de l’énergie. Le jeune homme est
logique :
« Depuis
que je suis en poste, je m'intéresse plus spécialement à la nutrition et
notamment aux pouvoirs de la « super-food ». Laquelle peut éviter aux
sportifs de prendre tout un tas de suppléments alimentaires qui ne sont pas
toujours très clean (d'un point de vue nutritionnel/santé). ». Pas besoin
d’aller chercher des produits au bout du monde, certains existent dans le jardin local (surtout en France). Il s’agit aussi de casser là quelques codes
d’alimentation traditionnels que l’on sait néfastes (avec études nombreuses et
connues) soit dans l’organisation des repas, soit dans les menus. Quand
manger des fruits ? Comment organiser les repas en fonction des efforts à
faire ? Quels produits consommer pour une alimentation facile ? Quelle quantité et types de sucres? Quid
des produits laitiers ? Comment s’hydrater ? Avec quoi sans être
pollué par la publicité ?
Au
cours d’une de nos conversations, il a souligné que l’alimentation des joueurs de son é équipe n’étaient pas toujours assez rigoureuse. Il me semble que sa remarque est
en lien avec la société néo-zélandaise qui n’a pas de tradition culinaire d’une
part et ne cherche pas à en avoir. L’alimentation de la famille est très
« hamburger » ou « barbecue ».
Par
contre dans les « pharmacy » (les drogues sont chez le chemist) vous trouvez tous les compléments
alimentaires que vous voulez comme aux Etats-Unis. Cela en est presque choquant
quand vous savez depuis longtemps qu’une bonne alimentation est votre premier
médecin.
La
préparation physique des joueurs Hurricanes est complètement
individualisée :
« Pour
l'individualisation et ne pas entrer dans trop de détails, il y a différents
tests qui sont utilisés par le staff de l’Equipe Haute Performance dirigée par M.
Stirling.
Un
court test de terrain permet aux coaches de savoir si un joueur est en forme ou
non et donc de lui donner des séances de mise en condition physique
supplémentaires. Ensuite en musculation, chaque joueur établit son profil force-vitesse
grâce à la plateforme de force. On peut savoir si un joueur à une dominante
force ou vitesse et adapter les programmes en fonction des besoins. »
Quelle est la
forme générale des exercices ? La vitesse est-elle privilégiée au profit
du poids des barres ?
« Tout dépend du besoin de chaque
joueur : s’il a besoin de développer sa force-vitesse on vise des charges
légères à moyennes avec un focus sur la vitesse, s’il a besoin de développer sa
force, on vise des charges lourdes presque maximales. »
Les entraînements
sont séquencés : programmation d’une semaine type ? Nombre
d’entraînements, salle de gym, terrain ? libre selon les joueurs ?
« Tout
dépend du turnover d’un match à l’autre. En général, sont prévues 2 séances de
musculation/semaine, une le premier jour de la semaine et l’autre à J-2 du
match.
Deux
entraînements rugby complets (le « total rugby » que tu as suivi) et
en plus les séquences séparées entre avants et arrières pour le travail
spécifique. Les demis et les arrières travaillent au pied individuellement en
fin de séance de groupe.
La
mise en place à J-1 du match (entraînement du capitaine).
Musculation
préalable à un match ?
« La
séance à J-2 du match a pour objectif la puissance. On chercher à
« balayer » toute la courbe force-vélocité : c’est-à-dire focus
sur la vitesse des barres à différentes intensités de charge (de moyen à très
léger) ».
Bien noter dans tout cela que
l’équipe de préparation haute performance cherche à donner au coach principal des joueurs en
forme pour chaque match. En corollaire, les joueurs par leur apprentissage sont presque directement interchangeables, le coach fait ses choix en fonction de l'adversaire et de la gestion de l'ensemble du groupe.
C’est vu de l’extérieur un travail minutieux de monitoring pointu. Ce qui est extraordinaire
c’est que dans l’ensemble de l’équipe en cours de rencontre, un joueur qui n’est
pas au niveau le jour J, se voit immédiatement. Au cours des matches de ce mois plusieurs
exemples pourraient illustrer ce propos.
Ne
pas oublier non plus que le but de tous les joueurs (même non avoué) est de
jouer avec les AB. Au moins de garder leur job le plus longtemps dans l’année
et dans la durée. La saison Super rugby n’est que de 8 mois, celle de MITRE 10
CUP de 11 semaines (13 pour les finalistes).
La pression haut niveau est maximale. Leur entraînement sur le terrain
est d’une grande exigence physique et mentale (sans animosité, ils y sont habitués depuis
l’enfance). Les exercices demandent une grande attention, beaucoup d'engagement, une forte concentration. (en cas d'échec ils refont, aucun cadeau des coaches ).
Pour
résister chacun doit s’arracher, aller chercher ses moindres ressources.
« Pour
augmenter le potentiel d'un joueur, il faut le mettre dans une situation
stressante (pour l'organisme) en respectant les principes de physiologie,
neurophysiologie et biomécanique humaines tout en s’adaptant à chaque individu. Ils comprennent
d’autant mieux ces interactions qu’ils demandent de l’information sur le
résultat attendu et qu’on leur explique. Ainsi ils suivent ensuite leurs
propres sensations et ils comprennent mieux leurs étapes d'évolution. Sorte
d’auto-évaluation pour la motivation personnelle. »
Les
étapes de formation commencent très tôt : dès l’école les egos sont mis en
concurrence. "Etre All Black est un rêve
pour beaucoup d’enfants. Pas pour l’argent, l’honneur, c’est différent".
Parmi
tous ces rêveurs ce sont les plus forts qui arriveront à avoir un numéro de All
Black : des dons, du travail et un destin. Les jeunes comprennent cela au
fur et à mesure qu’ils montent les échelons de la pyramide. Ils ne sont que trois : le
collège/high school, le club civil et l’Union. Des passerelles existent pour des
rattrapages avant la consécration professionnelle : le recrutement par une
franchise. La sélection pour l’académie des jeunes, soit venant des prestations
en collège soit en catégories d’âge de club. Idem pour la franchise qui sans
cesse recherche des joueurs dans le vivier des Unions qui lui sont rattachées
(8 pour les Hurricanes).
Le
travail des staffs me paraît d’une grande rigueur, alliant du respect pour les joueurs, de
l’anticipation, un niveau qualité d'encadrement élevé sur la durée. Pour pouvoir postuler à
poste de coach au niveau professionnel le parcours est loin d’être aisé. Pour
le rester en plus des diplômes mieux vaut avoir des résultats. C’est aussi cela
qui dirige le haut niveau, une haute exigence sur la performance individuelle mais surtout collective.
Nous
étions obligés de faire cette digression sur la pression mentale des joueurs
que nous avons vu évoluer. Elle dure depuis l’école. Ils sont calmes,
paraissent l’avoir maîtrisée. Pas sûr que ce soit vrai. Quelques semaines avant
d’en reparler.
Revenons
à la préparation physique et à la différence NZ – France :
« Je
dirais qu'il y a trop de spécialisation dans la préparation en France. Je veux
dire beaucoup de préparateurs physiques cherchent à adapter et trouver des
exercices mimant les efforts retrouvés dans les matches. »
« En
NZ et dans les modèles Anglo-saxons, les principes de base de la préparation
sont clairement définis. Par exemple, un développement de la force avec les
exercices de base en respectant l’athlète dans son ensemble. Je pense qu'en
France beaucoup de préparateurs cherchent le transfert de force dans le choix
des exercices alors que si le programme de développement est bien construit
dans une vision holistique (mot important) de l'athlète, le transfert se fera
harmonieusement. Un équilibre se crée dans le corps de l’athlète. »
« En
fait, beaucoup de préparateurs physiques se contentent d’appliquer des recettes
(copiées chez d’autres) mais quand on leur demande les raisons de leur choix, ils
sont incapables de les expliquer. Les éléments de préparation physique de base
(physiologie, neurophysiologie, biomécanique etc.) doivent respecter l’athlète
et servir le jeu pour lequel il s’entraîne. Cette cohérence à un sens, il faut
la respecter pour l’intégrité de l’athlète, prévenir les blessures ou encore
des fatigues anormales.»
« Les
coaches responsables des équipes attendent un pic de forme tous les week-ends
et ce durant la saison (5 mois hors préparation). Ils recherchent également un développement
dans le temps des joueurs qu’ils ont retenus dans leur équipe. Ils ne mettent
pas la pression pour que le joueur crève l'écran dès sa première saison. Et on
le voit en pratique : tous les talents qui se distinguent cette saison
sont pour la plupart avec les Hurricanes depuis 3 saisons. »
Que
l’on discute avec les responsables des sports des collèges, les coaches des
juniors de U15 des clubs, le recrutement est extrêmement structuré. C’est
visible j’ai pu le repérer, je le confirmerai. Les coaches sont sur le pont en
permanence, local, régional puis national. C’est le sportif qui pilote en
Nouvelle Zélande. Les joueurs doués sont repérés puis encouragés. Petit à petit, ils apprennent les éléments qui vont leur permettre de devenir professionnels.
Mais le sommet est dur à atteindre, les chiffres parlent d’eux mêmes :
Après
James Allan N°1 All Black en 1884, Jordie Barrett le dernier entré au panel
n’est pas encore N°1050. Lancé en 2016 par Hansen à 19 ans, Rieko Ioane est
N°1042. Les jeunes licenciés 2017 sont 85000. Vous comprenez qu’être All Black
et même joueur de l’Union (syndicat provincial) est d’un sacré niveau.
Je
peux vous dire que c’est impressionnant de voir ces joueurs à fond dans leur
entraînement et décontractés dès que sifflet des coaches ou de l’arbitre les a
libérés. Le combat a cessé, ils ont tout donné, la vie reprend ses droits, quel
que soit le niveau, filles et garçons, le cérémonial est le même les joueurs se
remercient de la partie jouée. Cette humilité fait partie de leur éducation dès
le plus jeune âge. Ils se connaissent tous ou presque.
Tous les joueurs sont concernés à l'entraînement. les coaches ne laissent aucun moment de répit. L'intensité est maximale. Pourquoi certains en font-ils plus encre (A. Savea) ?
Tous les joueurs sont concernés à l'entraînement. les coaches ne laissent aucun moment de répit. L'intensité est maximale. Pourquoi certains en font-ils plus encre (A. Savea) ?
"Les
joueurs comprennent très tôt que l’équipe est plus forte que l’individu,
message bien compris. Les
joueurs réagissent bien car ils connaissent l'équilibre qu'il doit y avoir
entre le développement individuel et le développement du groupe. Ce qui fait
que chacun est capable de travailler dans son coin en sachant ce qui va être
bon pour l'équipe. Ardie Savea a fait du rab après l'entrainement car l'équipe
s'était entraînée la veille et pas lui car il revenait des All Blacks. Ce choix
est venu de lui, il s'est peut-être dit qu'il voulait rattraper ce qu'il
n'avait pas fait la veille. Assez souvent les joueurs font ce qu'ils ressentent
de bon pour eux, même si d'un point de vue scientifique ça ne l'est pas
vraiment. Mais si ça leur permet d'être présent mentalement et physiquement aux
échéances pourquoi les en empêcher. »
De
l’intelligence de situation !
Au
cours de nos conversations, nous avions parlé de la pression mise par Hansen
sur les joueurs. A son arrivée à la tête des All Blacks, il a augmenté
l’intensité de la préparation globale des joueurs de 5 % par an. Ce qui veut
dire qu’un All Black a des standards de performance bien au-delà des normes des
franchises où le rythme est déjà élevé.
Les
relevés GPS des frères Barrett pour le dernier match des Lions manifestement
étaient fortement augmentés par rapport au quotidien des Hurricanes. J’ai émis
la possibilité que Beauden n’ait pas digéré ce supplément; que son comportement dans le jeu
n’a pas tranché et qu’il a raté encore une fois ses coups de
pied de pénalité. J’ai aussi émis un avis sur SBW et Kaino auteurs de gestes
dangereux parce qu’ils sont au taquet et ne maîtrisent plus leur agressivité.
Pour
le cas Beauden Barrett buteur :
La
Fédération de rugby de Nouvelle Zélande (politiquement) n’aime pas gagner par
le pied (voir ses projets pour passer l’essai à 6 points et 2 pour la pénalité…).
N’empêche que le choix de Hansen et de ses coaches me laisse penser qu’ils se
sont trompés. Jordie était mieux placé pour buter car aux Hurricanes c’est lui
qui en est chargé.
A
mon questionnement, Raphael a répondu :
« Pour
les All Blacks, je n'ai pas de réponse. A part que c'est sûrement le meilleur modèle
à l'heure actuelle et qu'ils répondent présents aux moments clés et ils sont
même en avance. Donc c'est que cette montée de régime est pertinente et bien
amenée. »
Au
vu du dernier match contre les Crusaders, je lui donne raison vu la prestation qu’ont
joué les frères Savea, Laumape et Jordie Barrett. Perenara n’est pas resté en
retrait, je lui reproche juste d’avoir oublié de passer le ballon à deux reprises
au lieu de le garder cela pouvait faire deux essais de plus.
Vers l’excellence (ou toujours plus) : Il va sans dire que la précision de la préparation de
cette équipe ne peut se faire qu’avec une surveillance médicale constante.
Bilans de début et de fin de saison puis suivi régulier. La phase la plus dure
est celle de la mise en condition avant le début du Super Rugby. Raphaël
témoigne qu’il a vu des données extraordinaires. Les joueurs ont une montée en
charge de très haut niveau. Ils se sont préparés personnellement avant.
En
phase de préparation (période la plus exténuante) pour récupérer plus rapidement et acquérir de nouveaux
comportements physiologiques les joueurs vont à l’hôpital en chambre d’altitude
(un temps considéré comme dopage). Le centre de préparation en altitude de Font Romeu avait été créé pour
cela. Il est amusant de savoir qu’en médecine mettre le corps sous stress lui
permet de générer les éléments lui permettant de se soigner seul (les chinois
savent très bien utiliser ces capacités).
Les kinés suivent tous les entraînements, sont formés à l'approche préparation Haut niveau et discutent beaucoup avec les coaches de la préparation, ce qui facilite le travail de tous.
Les kinés suivent tous les entraînements, sont formés à l'approche préparation Haut niveau et discutent beaucoup avec les coaches de la préparation, ce qui facilite le travail de tous.
Dernier
élément sous forme d’insistance, nous sommes avec une équipe de 45 joueurs,
tous des athlètes de haut niveau et pour accepter les efforts qu’ils doivent
faire, encaisser les chocs physiques et émotionnels une psychologue-préparateur
mental est en place depuis cette année.
Voyez
la forme des matches :
Une première mi-temps où les adversaires ont une intensité de jeu supérieure en début de partie, dominent et marquent. Après 20 minutes, le jeu s’équilibre et les Hurricanes reviennent. L’entrée en seconde mi-temps est de très haute intensité avec des avants qui font un ménage terrible (Coles-Lousi-Ardie Savea-Shields). Derrière ils finissent le travail. L’éclosion d’un Jordie Barrett sur ces trois matches (plus le test match) est le résultat de cette préparation minutieuse.
Une première mi-temps où les adversaires ont une intensité de jeu supérieure en début de partie, dominent et marquent. Après 20 minutes, le jeu s’équilibre et les Hurricanes reviennent. L’entrée en seconde mi-temps est de très haute intensité avec des avants qui font un ménage terrible (Coles-Lousi-Ardie Savea-Shields). Derrière ils finissent le travail. L’éclosion d’un Jordie Barrett sur ces trois matches (plus le test match) est le résultat de cette préparation minutieuse.
Je
crois cependant que Chris Boyd doit avoir dans sa musette de coach quelques secrets de
communication. Il ne parle pas souvent mais c’est assez fascinant de voir
l’attitude des joueurs quand il le fait sur le stade. A comparer aux attitudes
de Hansen, Cotter beaucoup plus connus…les néozélandais ont travaillé beaucoup atteindre ce niveau de compétences. Pour devenir coach d'équipe première de club de base (avec avis de l'union ) comptez 12 ans pour monter les échelons.
Je ne peux terminer sans avoir le plaisir
de signaler que le chef de la Préparation des Hurricanes, David Gray a remercié Raphaël pour le bon travail qu’il a fait cette année
les budgets ne sont pas encore votés mais il lui a proposé un contrat à temps partiel
en attendant mieux. Raphaël a postulé aux demandes de services de « Sport
scientist » pour les Fidji, Tonga, Harlequins et l'équivalent de l'INSEP de Nouvelle Zélande.
Une
vraie chance d’avoir pu suivre cette équipe durant mes trois semaines à
Wellington et d’en parler avec lui. Une somme d’informations considérable.
Ce
long "dossier" pour montrer comment à partir d’une politique claire, des gens
compétents peuvent mettre en place des moyens et une forme de jeu qui fait
aller au stade (même avec un temps exécrable). Les habitudes de jeu acquises dès l’enfance permettent à ces athlètes
de produire des actions qui paraissent naturelles. Ils travaillent comme des
virtuoses, musiciens ou peintres que l’on dit artistes. Ils ne peuvent atteindre
ce niveau que lorsqu’ils ont été libérés. C’est parce qu’ils sont libres de
jouer comme ils le veulent qu’ils acceptent de faire les efforts pour percer et
laisser apparaître leur culture personnelle.
Un
magnifique travail d’équipe.
Je retrouve avec les Hurricanes le travail fait par Claude Onesta avec
ses handballeurs. C’est exactement ça.
Au moment où je termine, Guy Novès vient de présenter son projet d'avenir pour l'équipe de France. Nous sommes français, avec nos qualités. Pas question de copier ce qui est décrit ci-dessus. Novès n'en est pas loin.
En impliquant les joueurs, en les responsabilisant, devenant ainsi acteurs du projet avec les staffs de leurs équipes, nous entrons dans un modèle plus intelligent que de mener une guerre des egos. L'intelligence collective est une réalité mais à une condition: seulement parler vrai. Trop souvent notre esprit Gaulois nous entraîne à s'intéresser à son quant à soi (pour avoir raison...) alors que pour exister pour une équipe, il n'y a qu'une voie: travailler dans l'intérêt général. Si l'on a enfin compris cela alors tout n'est pas perdu. Il faudra juste être patient, ce n'est pas notre principale vertu.
Vous
êtes arrivé, je peux maintenant répondre à vos questions. Je blague, mais je ne pourrai jamais tout expliquer dans un bout de papier et même pas dans un livre entier.
Avec l’aide précieuse de
Raphaël Lagarde,
Mise en forme de Michel Prieu
Blog
voyage : nouvellezelandeleretour.blogspot.com
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire