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14 - Hurricanes: Entraînement de Haute Performance (21 juillet 2017)





DOSSIER PRESQUE TECHNIQUE...DE WELLINGTON (NZ)

Vu et appris en deux semaines avec les Hurricanes et trois matches références :

Hurricanes-Réserve des Lions
Hurricanes-Crusaders
Brumbies (Canberra)-Hurricanes

Dossier à 4 mains avec Raphaël Lagarde…

Je ne m’étais jamais intéressé à l’entraînement physique spécifique avant de voir jouer Tiger Woods et remporter son premier Masters en 1997. Président de l’AS du Golf de La Forteresse, j’avais la chance d’avoir autour de moi des professeurs d’EPS qui jouaient dans ce club et nous avons imaginé des entraînements plus sportifs pour monter de niveau en équipe.

Dans le même temps au Lycée de Fontainebleau, Hervé Marcel, mettait en place une première section étude et golf. Nous avons discuté longtemps sur le sujet et personnellement j'ai tenté de suivre son programme. J'ai compris alors que la gestion du physique jouait très fortement sur mes résultats. Pendant ce temps, les résultats de Woods se sont multipliés et la physionomie des joueurs professionnels s’est transformée.

Au même moment, le rugby professionnel faisait ses premiers pas et nous avons vu des silhouettes se renforcer. Dans un premier temps plus chez les Anglo-saxons que chez les français mais avec le temps cela s’est équilibré. Certains compléments alimentaires autorisés ici et pas là y sont sans doute pour beaucoup.

Le rugby de l’hémisphère Nord est différent de celui des pays du Sud, ce n’est pas inventer la poudre que de le dire à l’époque où l’on vit. Nous jouons moins vite, la force  prime sur la vitesse.

Il est maintenant clair que l'ancienne équipe de direction FFR a décidé de privilégier la masse au profit de la vitesse. Le Top 14 en est le reflet. Dans un message JJ Sarthou, Professeur d'Université au STAPS Nanterre ajoute : "En rugby, la FFR a opté pour un plan de formation qui me semble souvent restrictif : de la technique décontextualisée et du jeu au poste précoce. A l'opposé de ce que préconisent toutes les recherches sur la psychomotricité, et à l'opposé des formations de l'hémisphère sud"

Et les résultats internationaux de nos équipes (XV - VII - masculins, féminines), ne viennent pas donner de crédit à ce plan de formation.

Il existe pourtant des alternatives, notamment en greffant la construction de la technique dans le jeu, en lien avec la prise d'information et surtout "le jeu", "le match"."

Je m’ennuyais devant les matches avant de me réveiller l’an dernier en Australie. Lors d’un premier match de Super Rugby vu sur le terrain, j’ai trouvé des joueurs puissants, jeunes mais plutôt élancés, rapides et endurants.

J’ai aussi vu un joueur largement à son avantage avec les All Blacks comme Ma’a nonu devenir un joueur quelconque à Toulon. Lourd et perdant son efficacité. Les matches du Top 14 ne nous montrent pas de progrès permettant d’exister sur la scène internationale. G. Novès semble avoir décidé de tout changer. Mais changer vers quoi et pour quoi faire?

Je suis parti en Nouvelle Zélande pour connaître mieux ce pays dont je retiens une immense qualité : la capacité à s’adapter, une grande flexibilité. Venir pour voir jouer les All Blacks chez eux faisait partie du projet. Quand on ne sait rien autant apprendre des meilleurs. L'an dernier le pays m'a plu. Je voulais comprendre mieux et noter ce qui peut m’aider à améliorer mon quotidien, non pour parader mais pour suivre mon chemin. Je ne le connais pas depuis si longtemps. Le jour de 2005 où j’ai compris que je m’étais trompé, je suis parti et j’ai changé de vie sans me retourner.

Le rugby de Nouvelle Zélande me permet de comprendre par le menu comment s’engraine la vie. Elle est simple, le rugby aussi. Les athlètes sont préparés dès l’école, le sport est intégré à l'éducation des enfants. Chacun fait aujourd'hui ce qui lui plaît quand il grandit alors que peut-être avant le seul sport facile à jouer était le rugby. Maintenant c'est plus ouvert. Amusant de voir comment en ville les gens sont habillés l’impression qu’ils sont toujours prêts à faire du sport. Le rugby n’est pas privilégié, il est simplement bien organisé, cohérent du sommet à la base et de la base au sommet. En 2017, environ 150000 licenciés pour ce sport.

Les codes de notre monde actuel sont tournés vers la performance. Je ne trouve plus cela très moderne mais je ne pourrai changer le monde. Les jeunes qui aiment le rugby ont aujourd’hui la possibilité d’en faire un métier. Pensez donc, pouvoir gagner un peu d’argent avec l’objet de sa passion rien de tel pour se motiver !

Seulement pour entrer dans des équipes d’élite il faut avoir le potentiel d’un joueur de haut niveau, des qualités physiques naturelles et une foi chevillée au corps pour assumer les efforts à réaliser pour affronter la concurrence. Atteindre le label d’athlète de haut niveau n’est pas donné à tout un chacun. Une fois arrivé pour le rester c’est beaucoup de travail pour encore progresser , conserver son efficacité.


Même en Nouvelle Zélande avec un projet piloté par la Fédération il existe des différences entre les villes pour faire que les jeunes joueurs atteignent le haut niveau des 14 équipes des Unions, les cinq franchises et les All Blacks. J’ai passé quelques jours avec les Hurricanes (Wellington) qui préparaient leur dernier match de saison régulière contre les Crusaders (Christchurch), invaincus cette année. En lever de rideau les Hurricanes avaient préparé une équipe de joueurs de moins de 18 ans triés sur le volet entraînés 5 jours pour apprendre comment devenir joueur professionnel. Ils devaient jouer contre leurs homologues, les Knights Crusaders émanation des jeunes du Canterbury et de Tasman. Sur ces deux matches des différences de préparation et de stratégie mais une base de jeu confirmée pour la dextérité, la vitesse.

Mes observations sur les matches des Hurricanes face aux Lions et aux Crusaders ont un point commun, même avec les jeunes : les Hurricanes tiennent la distance. Ils sont dominés en début de rencontre puis maintiennent le cap et finissent plus fort que leurs adversaires.

Autre observation plus générale, j’ai été surpris durant la tournée des Lions que les équipes en cours de préparation et celles du Mardi soient aussi souvent battues par les franchises. Le rugby français n’est pas seul à être dépassé dans le jeu et dans la préparation des joueurs.

L’observation de l’entraînement montre beaucoup de courses, une intensité proche de celle des matches. Tous les ateliers sont bâtis sur des situations de jeu. Certaines phases permettent « l’improvisation » lorsque le thème est attaque-défense. La polyvalence des joueurs est visible dans leurs capacités à faire des passes dans le temps juste. Des exercices sont mis en place pour cela par les différents coaches responsables des lignes. Ce travail très minutieux est fait avec une grande intensité, beaucoup de vitesse, une grande concentration. Un travail de qualité qui se voit en match ensuite.

Cela valait le coup de demander son avis à Raphaël Lagarde, en stage dans le staff chargé de la préparation physique des Hurricanes. Il s’occupe des GPS et des exercices individualisés des joueurs, préparation d’avant saison et remise en forme pour les blessés.

Son profil de métier : Licence STAPS option "Entrainement Sportif" et deux Diplômes Universitaires. Pour son métier il a préféré la formation des spécialistes de terrain qui sont encore en activité que de passer un Master où n’interviennent le plus souvent que des professeurs d’université et des chercheurs.

Pour le haut niveau comme vous vous en doutez, les connaissances sont très pointues. Pour être au point comme il le voulait, il a dû faire des choix :

« J'ai souhaité m'arrêter à la Licence. Déjà en troisième année je me disais que je ne pouvais pas continuer dans un cursus "normal" car les connaissances et apprentissages sont trop pauvres et pas en phase avec les besoins de compétences pour la haute performance actuelle. »

Les diplômes universitaires qu'il s'est choisi ont des parties pratiques :

« Lors de mon dernier D.U. j'ai pu valider mes Brevets Fédéraux Niveau 1 "Initiateur" en Haltérophilie et Force Athlétique. J'ai également validé un Certificat de Compétences au CREPS de Montpellier : "préparateur physique pour sportifs de haut niveau". »

Raphaël n’a découvert le rugby qu’en arrivant à l’Université avec JJ Sarthou. Son œil est donc tout neuf, en découverte sur l’adéquation du jeu en relation avec la préparation des athlètes.

Au plan pratique Raphaël a eu une expérience avec les jeunes du Racing 92, puis en suite Béziers avec Manny Edmonds (Australien). Chez Hurricanes son travail est beaucoup plus précis.

La course aux connaissances dans le domaine est importante, mais il faut trier les informations recueillies :

« Je continue à me documenter tous les jours : études scientifiques, internet, livres, blogs, … etc. En prenant bien soin de trier la qualité des informations car tout n'est pas bon à prendre. Il faut par exemple prendre en compte que beaucoup d'études sont faites sur des sujets sédentaires ou qui ne sont pas sportifs de haut niveau. Donc les progrès que tu peux noter sur ce genre de groupes ne sont pas transférables sur un groupe d'athlètes de haut niveau. Il est facile d'augmenter les "perf" de 15-20% d'un sédentaire. Mais pour un sportif de haut niveau, ses standards sont déjà tellement élevés que tu ne peux augmenter sa "perf" que seulement de quelques pour-cent (1 à 5%). Et pour obtenir au mieux ce 1 à 5%, il faut être très précis dans ce que tu prescris. »

Evidemment, pour produire un effort physique, il faut de l’énergie. Le jeune homme est logique :

« Depuis que je suis en poste, je m'intéresse plus spécialement à la nutrition et notamment aux pouvoirs de la « super-food ». Laquelle peut éviter aux sportifs de prendre tout un tas de suppléments alimentaires qui ne sont pas toujours très clean (d'un point de vue nutritionnel/santé). ». Pas besoin d’aller chercher des produits au bout du monde, certains existent dans le jardin local (surtout en France). Il s’agit aussi de casser là quelques codes d’alimentation traditionnels que l’on sait néfastes (avec études nombreuses et connues) soit dans l’organisation des repas, soit dans les menus. Quand manger des fruits ? Comment organiser les repas en fonction des efforts à faire ? Quels produits consommer pour une alimentation facile ? Quelle quantité et types de sucres? Quid des produits laitiers ? Comment s’hydrater ? Avec quoi sans être pollué par la publicité ?

Au cours d’une de nos conversations, il a souligné que l’alimentation des joueurs de son é équipe n’étaient pas toujours assez rigoureuse. Il me semble que sa remarque est en lien avec la société néo-zélandaise qui n’a pas de tradition culinaire d’une part et ne cherche pas à en avoir. L’alimentation de la famille est très « hamburger » ou « barbecue ».

Par contre dans les « pharmacy » (les drogues sont chez le chemist) vous trouvez tous les compléments alimentaires que vous voulez comme aux Etats-Unis. Cela en est presque choquant quand vous savez depuis longtemps qu’une bonne alimentation est votre premier médecin.

La préparation physique des joueurs Hurricanes est complètement individualisée :

« Pour l'individualisation et ne pas entrer dans trop de détails, il y a différents tests qui sont utilisés par le staff de l’Equipe Haute Performance dirigée par M. Stirling.
Un court test de terrain permet aux coaches de savoir si un joueur est en forme ou non et donc de lui donner des séances de mise en condition physique supplémentaires. Ensuite en musculation, chaque joueur établit son profil force-vitesse grâce à la plateforme de force. On peut savoir si un joueur à une dominante force ou vitesse et adapter les programmes en fonction des besoins. »

Quelle est la forme générale des exercices ? La vitesse est-elle privilégiée au profit du poids des barres ?

 « Tout dépend du besoin de chaque joueur : s’il a besoin de développer sa force-vitesse on vise des charges légères à moyennes avec un focus sur la vitesse, s’il a besoin de développer sa force, on vise des charges lourdes presque maximales. »

Les entraînements sont séquencés : programmation d’une semaine type ? Nombre d’entraînements, salle de gym, terrain ? libre selon les joueurs ?

« Tout dépend du turnover d’un match à l’autre. En général, sont prévues 2 séances de musculation/semaine, une le premier jour de la semaine et l’autre à J-2 du match.
Deux entraînements rugby complets (le « total rugby » que tu as suivi) et en plus les séquences séparées entre avants et arrières pour le travail spécifique. Les demis et les arrières travaillent au pied individuellement en fin de séance de groupe.
La mise en place à J-1 du match (entraînement du capitaine).

Musculation préalable à un match ?

« La séance à J-2 du match a pour objectif la puissance. On chercher à « balayer » toute la courbe force-vélocité : c’est-à-dire focus sur la vitesse des barres à différentes intensités de charge (de moyen à très léger) ».

Bien noter dans tout cela que l’équipe de préparation haute performance cherche à donner au coach principal des joueurs en forme pour chaque match. En corollaire, les joueurs par leur apprentissage sont presque directement interchangeables, le coach fait ses choix en fonction de l'adversaire et de la gestion de l'ensemble du groupe.

C’est vu de l’extérieur un travail minutieux de monitoring pointu. Ce qui est extraordinaire c’est que dans l’ensemble de l’équipe en cours de rencontre, un joueur qui n’est pas au niveau le jour J, se voit immédiatement. Au cours des matches de ce mois plusieurs exemples pourraient illustrer ce propos.

Ne pas oublier non plus que le but de tous les joueurs (même non avoué) est de jouer avec les AB. Au moins de garder leur job le plus longtemps dans l’année et dans la durée. La saison Super rugby n’est que de 8 mois, celle de MITRE 10 CUP de 11 semaines (13 pour les finalistes).  La pression haut niveau est maximale. Leur entraînement sur le terrain est d’une grande exigence physique et mentale (sans animosité, ils y sont habitués depuis l’enfance). Les exercices demandent une grande attention, beaucoup d'engagement, une forte concentration. (en cas d'échec ils refont, aucun cadeau des coaches ).

Pour résister chacun doit s’arracher, aller chercher ses moindres ressources.

« Pour augmenter le potentiel d'un joueur, il faut le mettre dans une situation stressante (pour l'organisme) en respectant les principes de physiologie, neurophysiologie et biomécanique humaines tout en s’adaptant à chaque individu. Ils comprennent d’autant mieux ces interactions qu’ils demandent de l’information sur le résultat attendu et qu’on leur explique. Ainsi ils suivent ensuite leurs propres sensations et ils comprennent mieux leurs étapes d'évolution. Sorte d’auto-évaluation pour la motivation personnelle. »

Les étapes de formation commencent très tôt : dès l’école les egos sont mis en concurrence. "Etre All Black est un rêve pour beaucoup d’enfants. Pas pour l’argent, l’honneur, c’est différent".

Parmi tous ces rêveurs ce sont les plus forts qui arriveront à avoir un numéro de All Black : des dons, du travail et un destin. Les jeunes comprennent cela au fur et à mesure qu’ils montent les échelons de la pyramide. Ils ne sont que trois : le collège/high school, le club civil et l’Union. Des passerelles existent pour des rattrapages avant la consécration professionnelle : le recrutement par une franchise. La sélection pour l’académie des jeunes, soit venant des prestations en collège soit en catégories d’âge de club. Idem pour la franchise qui sans cesse recherche des joueurs dans le vivier des Unions qui lui sont rattachées (8 pour les Hurricanes).

Le travail des staffs me paraît d’une grande rigueur, alliant du respect pour les joueurs, de l’anticipation, un niveau qualité d'encadrement élevé sur la durée. Pour pouvoir postuler à poste de coach au niveau professionnel le parcours est loin d’être aisé. Pour le rester en plus des diplômes mieux vaut avoir des résultats. C’est aussi cela qui dirige le haut niveau, une haute exigence sur la performance individuelle mais surtout collective.

Nous étions obligés de faire cette digression sur la pression mentale des joueurs que nous avons vu évoluer. Elle dure depuis l’école. Ils sont calmes, paraissent l’avoir maîtrisée. Pas sûr que ce soit vrai. Quelques semaines avant d’en reparler.

Revenons à la préparation physique et à la différence NZ – France :

« Je dirais qu'il y a trop de spécialisation dans la préparation en France. Je veux dire beaucoup de préparateurs physiques cherchent à adapter et trouver des exercices mimant les efforts retrouvés dans les matches. »

« En NZ et dans les modèles Anglo-saxons, les principes de base de la préparation sont clairement définis. Par exemple, un développement de la force avec les exercices de base en respectant l’athlète dans son ensemble. Je pense qu'en France beaucoup de préparateurs cherchent le transfert de force dans le choix des exercices alors que si le programme de développement est bien construit dans une vision holistique (mot important) de l'athlète, le transfert se fera harmonieusement. Un équilibre se crée dans le corps de l’athlète. »

« En fait, beaucoup de préparateurs physiques se contentent d’appliquer des recettes (copiées chez d’autres) mais quand on leur demande les raisons de leur choix, ils sont incapables de les expliquer. Les éléments de préparation physique de base (physiologie, neurophysiologie, biomécanique etc.) doivent respecter l’athlète et servir le jeu pour lequel il s’entraîne. Cette cohérence à un sens, il faut la respecter pour l’intégrité de l’athlète, prévenir les blessures ou encore des fatigues anormales.»

« Les coaches responsables des équipes attendent un pic de forme tous les week-ends et ce durant la saison (5 mois hors préparation). Ils recherchent également un développement dans le temps des joueurs qu’ils ont retenus dans leur équipe. Ils ne mettent pas la pression pour que le joueur crève l'écran dès sa première saison. Et on le voit en pratique : tous les talents qui se distinguent cette saison sont pour la plupart avec les Hurricanes depuis 3 saisons. »

Que l’on discute avec les responsables des sports des collèges, les coaches des juniors de U15 des clubs, le recrutement est extrêmement structuré. C’est visible j’ai pu le repérer, je le confirmerai. Les coaches sont sur le pont en permanence, local, régional puis national. C’est le sportif qui pilote en Nouvelle Zélande. Les joueurs doués sont repérés puis encouragés. Petit à petit, ils apprennent les éléments qui vont leur permettre de devenir professionnels. Mais le sommet est dur à atteindre, les chiffres parlent d’eux mêmes :

Après James Allan N°1 All Black en 1884, Jordie Barrett le dernier entré au panel n’est pas encore N°1050. Lancé en 2016 par Hansen à 19 ans, Rieko Ioane est N°1042. Les jeunes licenciés 2017 sont 85000. Vous comprenez qu’être All Black et même joueur de l’Union (syndicat provincial) est d’un sacré niveau.

Je peux vous dire que c’est impressionnant de voir ces joueurs à fond dans leur entraînement et décontractés dès que sifflet des coaches ou de l’arbitre les a libérés. Le combat a cessé, ils ont tout donné, la vie reprend ses droits, quel que soit le niveau, filles et garçons, le cérémonial est le même les joueurs se remercient de la partie jouée. Cette humilité fait partie de leur éducation dès le plus jeune âge. Ils se connaissent tous ou presque.

Tous les joueurs sont concernés à l'entraînement. les coaches ne laissent aucun moment de répit. L'intensité est maximale. Pourquoi certains en font-ils plus encre (A. Savea) ?

"Les joueurs comprennent très tôt que l’équipe est plus forte que l’individu, message bien compris. Les joueurs réagissent bien car ils connaissent l'équilibre qu'il doit y avoir entre le développement individuel et le développement du groupe. Ce qui fait que chacun est capable de travailler dans son coin en sachant ce qui va être bon pour l'équipe. Ardie Savea a fait du rab après l'entrainement car l'équipe s'était entraînée la veille et pas lui car il revenait des All Blacks. Ce choix est venu de lui, il s'est peut-être dit qu'il voulait rattraper ce qu'il n'avait pas fait la veille. Assez souvent les joueurs font ce qu'ils ressentent de bon pour eux, même si d'un point de vue scientifique ça ne l'est pas vraiment. Mais si ça leur permet d'être présent mentalement et physiquement aux échéances pourquoi les en empêcher. »

De l’intelligence de situation !

Au cours de nos conversations, nous avions parlé de la pression mise par Hansen sur les joueurs. A son arrivée à la tête des All Blacks, il a augmenté l’intensité de la préparation globale des joueurs de 5 % par an. Ce qui veut dire qu’un All Black a des standards de performance bien au-delà des normes des franchises où le rythme est déjà élevé.

Les relevés GPS des frères Barrett pour le dernier match des Lions manifestement étaient fortement augmentés par rapport au quotidien des Hurricanes. J’ai émis la possibilité que Beauden n’ait pas digéré ce supplément; que son comportement dans le jeu n’a pas tranché et qu’il a raté encore une fois ses coups de pied de pénalité. J’ai aussi émis un avis sur SBW et Kaino auteurs de gestes dangereux parce qu’ils sont au taquet et ne maîtrisent plus leur agressivité.

Pour le cas Beauden Barrett buteur :

La Fédération de rugby de Nouvelle Zélande (politiquement) n’aime pas gagner par le pied (voir ses projets pour passer l’essai à 6 points et 2 pour la pénalité…). N’empêche que le choix de Hansen et de ses coaches me laisse penser qu’ils se sont trompés. Jordie était mieux placé pour buter car aux Hurricanes c’est lui qui en est chargé.

A mon questionnement, Raphael a répondu :

« Pour les All Blacks, je n'ai pas de réponse. A part que c'est sûrement le meilleur modèle à l'heure actuelle et qu'ils répondent présents aux moments clés et ils sont même en avance. Donc c'est que cette montée de régime est pertinente et bien amenée. »

Au vu du dernier match contre les Crusaders, je lui donne raison vu la prestation qu’ont joué les frères Savea, Laumape et Jordie Barrett. Perenara n’est pas resté en retrait, je lui reproche juste d’avoir oublié de passer le ballon à deux reprises au lieu de le garder cela pouvait faire deux essais de plus.

Vers l’excellence (ou toujours plus) : Il va sans dire que la précision de la préparation de cette équipe ne peut se faire qu’avec une surveillance médicale constante. Bilans de début et de fin de saison puis suivi régulier. La phase la plus dure est celle de la mise en condition avant le début du Super Rugby. Raphaël témoigne qu’il a vu des données extraordinaires. Les joueurs ont une montée en charge de très haut niveau. Ils se sont préparés personnellement avant.

En phase de préparation (période la plus exténuante) pour récupérer plus rapidement et acquérir de nouveaux comportements physiologiques les joueurs vont à l’hôpital en chambre d’altitude (un temps considéré comme dopage). Le centre de préparation en altitude de Font Romeu avait été créé pour cela. Il est amusant de savoir qu’en médecine mettre le corps sous stress lui permet de générer les éléments lui permettant de se soigner seul (les chinois savent très bien utiliser ces capacités).

Les kinés suivent tous les entraînements, sont formés à l'approche préparation Haut niveau et discutent beaucoup avec les coaches de la préparation, ce qui facilite le travail de tous.

Dernier élément sous forme d’insistance, nous sommes avec une équipe de 45 joueurs, tous des athlètes de haut niveau et pour accepter les efforts qu’ils doivent faire, encaisser les chocs physiques et émotionnels une psychologue-préparateur mental est en place depuis cette année.

Voyez la forme des matches :

Une première mi-temps où les adversaires ont une intensité de jeu supérieure en début de partie, dominent et marquent. Après 20 minutes, le jeu s’équilibre et les Hurricanes reviennent. L’entrée en seconde mi-temps est de très haute intensité avec des avants qui font un ménage terrible (Coles-Lousi-Ardie Savea-Shields). Derrière ils finissent le travail. L’éclosion d’un Jordie Barrett sur ces trois matches (plus le test match) est le résultat de cette préparation minutieuse.

Je crois cependant que Chris Boyd doit avoir dans sa musette de coach quelques secrets de communication. Il ne parle pas souvent mais c’est assez fascinant de voir l’attitude des joueurs quand il le fait sur le stade. A comparer aux attitudes de Hansen, Cotter beaucoup plus connus…les néozélandais ont travaillé beaucoup atteindre ce niveau de compétences. Pour devenir coach d'équipe première de club de base (avec avis de l'union ) comptez 12 ans pour monter les échelons. 

Je ne peux terminer sans avoir le plaisir de signaler que le chef de la Préparation des Hurricanes, David Gray a remercié Raphaël  pour le bon travail qu’il a fait cette année les budgets ne sont pas encore votés mais il lui a proposé un contrat à temps partiel en attendant mieux. Raphaël a postulé aux demandes de services de « Sport scientist » pour les Fidji, Tonga, Harlequins et l'équivalent de l'INSEP de Nouvelle Zélande.

Une vraie chance d’avoir pu suivre cette équipe durant mes trois semaines à Wellington et d’en parler avec lui. Une somme d’informations considérable.

Ce long "dossier" pour montrer comment à partir d’une politique claire, des gens compétents peuvent mettre en place des moyens et une forme de jeu qui fait aller au stade (même avec un temps exécrable). Les habitudes de jeu acquises dès l’enfance permettent à ces athlètes de produire des actions qui paraissent naturelles. Ils travaillent comme des virtuoses, musiciens ou peintres que l’on dit artistes. Ils ne peuvent atteindre ce niveau que lorsqu’ils ont été libérés. C’est parce qu’ils sont libres de jouer comme ils le veulent qu’ils acceptent de faire les efforts pour percer et laisser apparaître leur culture personnelle.

Un magnifique travail d’équipe.

Je retrouve avec les Hurricanes le travail fait par Claude Onesta avec ses handballeurs. C’est exactement ça.

Au moment où je termine, Guy Novès vient de présenter son projet d'avenir pour l'équipe de France.  Nous sommes français, avec nos qualités. Pas question de copier ce qui est décrit ci-dessus. Novès n'en est pas loin.

En impliquant les joueurs, en les responsabilisant, devenant ainsi acteurs du projet avec les staffs de leurs équipes, nous entrons dans un modèle plus intelligent que de mener une guerre des egos. L'intelligence collective est une réalité mais à une condition: seulement parler vrai. Trop souvent notre esprit Gaulois nous entraîne à s'intéresser à son quant à soi (pour avoir raison...) alors que pour exister pour une équipe, il n'y a qu'une voie: travailler dans l'intérêt général. Si l'on a enfin compris cela alors tout n'est pas perdu. Il faudra juste être patient, ce n'est pas notre principale vertu.

Vous êtes arrivé, je peux maintenant répondre à vos questions. Je blague, mais je ne pourrai jamais tout expliquer dans un bout de papier et même pas dans un livre entier.


Avec l’aide précieuse de Raphaël Lagarde,

Mise en forme de Michel Prieu







Blog voyage : nouvellezelandeleretour.blogspot.com 

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