Les
rencontres faites au cours de ce voyage sont tous azimuts.
Celle de Raphaël
Lagarde est très particulière. Il est au cœur de la maison Hurricanes et peut
avoir des informations pour redresser nos perceptions. Il est très secret et je
comprends cela. Son devoir de réserve est une preuve supplémentaire du respect
qu’il pour ceux qui lui ont fait confiance.
Sa
rencontre m’a renvoyé vers celui qui l'a initié au rugby, son Professeur de Nanterre, Jean Sarthou qui vient
d’Oloron Sainte Marie. Il prépare pour l’an prochain une réflexion sur la
formation du rugby.
Voici
ce qu’il me dit et qui va vous intéresser :
« Si
la réflexion est sans fin, il ne faut pas se fourvoyer et "condamner"
des pratiquants dans des systèmes de formation sclérosants et limitants.
En
rugby, la FFR a opté pour un plan de formation qui me semble souvent restrictif
: de la technique décontextualisée et du jeu au poste précoce. A l'opposé de ce
que préconisent toutes les recherches sur la psychomotricité, et à l'opposé des
formations de l'hémisphère sud.
Et
les résultats internationaux de nos équipes (XV - VII - masculins, féminins),
ne viennent pas donner de crédit à ce plan de formation.
Il
existe pourtant des alternatives, notamment en greffant la construction de la
technique dans le jeu, en lien avec la prise d'information et surtout "le
jeu", "le match".
C'est
ce que je m'évertue à faire de mon côté, en intervenant dans les écoles de
rugby, en formant des générations de profs d'EPS, que je retrouve parfois dans
les clubs. Mais cela ne suffit pas, puisqu'il faudrait pouvoir collaborer avec
la fédération de rugby. Cela a été le cas, il y a une quinzaine d'années, mais
aujourd'hui, je constate, comme mes collègues de l'association rugby de
mouvement (http://www.fndr.fr/index.php/99-articles-crmt-2/pub/303-jacques-dury)
que la volonté fédérale est de passer à une formation exclusivement basée sur
le physique, le jeu au poste et la technique.... Pourtant, comme vous le dites
si justement, tout démarre du jeu.
Ce
constat étant fait, je ne désespère pas, j'œuvre au quotidien et en proximité,
je publie, et j'ai en effet l'intention, avec quelques collègues de mener une
réflexion sur la FORMATION en général (entraîneurs, éducateurs, joueurs...)
afin de faire évoluer les mentalités des décideurs. C'est la raison pour
laquelle j'avais transmis un questionnaire à Raphaël Lagarde (ancien étudiant),
afin qu'il puisse interroger sur place. Dans l'absolu, il faudrait que je
puisse me déplacer... Cela viendra. »
Il
est intéressant de constater concrètement, la séparation qui existe entre la
formation universitaire et celle de la fédération. Notez que pour le handball
il n’en est pas de même.
Réconfortant
tout de même qu’un formateur d’enseignants pense comme nous. Je sais ce n’est
pas gagné.
Autre remarque de Raphaël Lamarque
suite à mes questions sur l’entrainement des Hurricanes et à la suite du
dernier test-match All Blacks-Lions.
Les
erreurs des All Blacks ont une origine, elle pourrait se régler.
Le
cas Barrett m’intéresse pour ses loupés au pied.
Les
deux ont des origines que j’ai identifiées pour les joueurs de golf de haut
niveau. Cela ne se règle pas sur le terrain. Je sais cependant comment opérer
pour résoudre la difficulté.
Dès
le premier match des Hurricanes vu sur le terrain face aux Lions, j’ai été
frappé par la vitesse des joueurs et leur endurance. Ils ont fini plus fort que
les Lions pourtant bien préparés.
Seconde
question le poids des joueurs, ils sont sveltes, pas un pouce de graisse
apparent.
Remarque:
Vous vous demandez sans doute pourquoi un jeune homme comme Raphaël Lagarde m'intéresse. La première des raisons est qu'il est arrivé au rugby naïvement, grâce à la rencontre d'un professeur d'université qui aime le jeu. Une denrée rare que nous avons perdu.
La seconde est que c'est un analyste de données à la tête bien faite. Il a pris l'habitude de voir malgré son jeune âge plus loin que le bout de son nez.
Ce que l'on ne sait pas c'est qu'un ordinateur contient beaucoup plus d'éléments en relations instantanées sans jugement, sans arrière pensée ou de trou de mémoire que notre cerveau ne peut traiter. Surtout à un âge avancé. J'aime les jeunes gens et je les respecte, plusieurs m'ont déjà aidé à résoudre des problèmes compliqués.
J'ai été comme lui porteur de nouveautés et si j'ai pu m'épanouir c'est à force de foi et de volonté. Il est dans ce cas avec en main un métier nouveau que le vieux monde a créé mais ne sait pas utiliser. Alors déçu sans doute (il l'a déjà avoué) il est parti dans le nouveau monde. C'est justement celui dont je veux vous parler.
Pour
tes questions sur l’entraînement :
-
En termes de puissance nous cherchons à balayer ce qu'on appelle la courbe
"force-vitesse" (plus le poids est lourd moins il y a de vitesse et
inversement), ce qui nous donne différents termes techniques : force-puissance,
force-vitesse, explosivité entre autres. C'est ce qu'on fait principalement
lors de la séance de musculation préparatoire pour le match.
-
Les contenus sont individualisés aux joueurs et non pas au poste. Ce qui est le
contraire de la France où il y a une hyper spécialisation de la tâche...Donc,
on base les contenus en fonction du profil "force-vitesse" (encore
une fois) du joueur : a-t-il besoin de travailler sa force pure ou sa
force-vitesse ?
-
Le protocole commotion est mis en place par la NZRFU, le médecin du club est
chargé du suivi avec les kinés qui sont en train de développer des nouveaux
protocoles (on pourra en discuter c'est très intéressant. Durée entre 7 jours
et 36 semaines selon les tests passés jour après jour par les joueurs blessés.).
Après je n'en sais pas plus.
-
La chambre d'altitude est pas utilisée pour accélérer la synthèse d'EPO , ce
qui permet de synthétiser davantage de globules rouges pour un apport plus
important d'oxygène vers les muscles. En termes de récupération, les joueurs
ont accès à l'hydrothérapie (bains chaud et froid) dans leur vestiaire, ils ont
les vêtements de compression, l'acupuncture et les massages avec les kinés, la
nutrition… etc. »
Vous
voyez l’étendue des moyens et la coopération de différents étages techniques,
physiques, psychologiques. La performance ça se gagne petit à petit. Cette
année se sont ajoutées après le titre les additions d’un analyste des données
sportives individuelles et d’une psychologue-préparateur mental.
Chaque
membre du staff à une tâche bien précise. Elle est programmée, contrôlée. Le
ballet sur le terrain d’entraînement est super huilé. Pas un instant n’est
perdu. Le rythme est donné par le coach principal en relation avec l’intensité
du jeu. Un enfant est capable de se rendre compte de cela de son perchoir en
tribune.
Suite au test-match je posais
des questions sur le cas Barrett à Raphaël Lagarde.
Voici ses réponses :
« Hansen
le dit depuis des années, Beauden est le meilleur joueur du monde le seul
reproche qu'on peut lui faire c'est d'être "moyen" au pied. Après il
est vrai que j'ai du mal à comprendre que ce soit lui qui tape alors que son
petit frère Jordie était sur le terrain et qu'en club (Hurricanes) c'est lui
qui tape.
Après
Beauden travaille son pied régulièrement. Ce qu'il faut prendre en compte et ce
que la presse ne sait pas c'est que les volumes d'entrainements sont très
élevés avec les Blacks (j'ai reçu les données GPS aujourd'hui). On est proche
d'une semaine de présaison...Il y a ça à prendre en compte plus la fatigue
accumulée du championnat, des deux tests joués et qu'on est en hiver...Il doit
sûrement y avoir également toute la pression médiatique vis-à-vis de son statut
qui doit forcément l'affecter.
Pour
en venir à Poite, oui il a été catastrophique. J'ai eu plusieurs remarques
humoristiques aujourd'hui : "c'est ton père ?", "putain
d'arbitre français, c'est de ta faute".
Sur
la faute à la 78ème, lis cet article, il explique la règle (que je ne
connaissais pas).
http://www.lerugbynistere.fr/videos/video-all-blacks-vs-lions-romain-poite-a-t-il-pris-la-bonne-decision-a-la-78eme-minute-de-jeu-0807171700.php
Mais
ça reste absurde car avec la vidéo, on peut faire dire n'importe quoi. On
retrouve la même situation que lors du quart de finale de la WC en 2015 :
Australie-Ecosse.
J'ai
parlé de la prestation de Poite avec un copain rugbyman en France, qui reste
persuadé que le système français est correct. Et il a été d'accord avec moi en
me disant : "Tu sais c'est bizarre pour lui d'arbitrer du rugby avec des
passes, de bonnes courses où le ballon se déplace. Il ne voit pas ça en top
14".
Il
a fait beaucoup trop d'erreurs et a même parfois inventé des fautes aussi bien
pour les Blacks que les Lions.
Cela
prouve bien qu'il y a du retard dans le rugby français à tous les niveaux... »
Pour
ce qui concerne l’arbitrage français, je ne suis pas inquiet en ce moment. Il
force le respect. Mais ces arbitres vont passer la main et ce sera encore un
problème de préparation de la succession.
Ceci
étant il est amusant de constater qu’un arbitre français pourrait perdre de la
lucidité parce qu’il est asphixié par les courses à réaliser. Voyez cette
action qui pouvait faire essai pour les Lions et l’interception qui renvoi en
quelques instants, le jeu à 80 mètre de là avec un ruck difficile à juger…
Globalement sur la tournée, Pepper, Garcès et Poite auront fait le boulot mais
n’ont pas été au top niveau. Je les ai vus meilleurs.
Ce
que je constate c’est que les Lions fringants à 15 contre 14 à Wellington, ont
tendu un filet au dernier match dans lequel les Blacks se sont enfermés. Peu
habitués à se voir contrer. Difficile à leur niveau mais les Lions est une
super équipe et Gatland ne leur a pas fait de cadeau.
Personnellement,
je pense que Hansen a fait de bon choix pour les titulaires mais n’a pas été
bon au coaching. Les joueurs sont rentrés trop tôt ou trop tard. Je pense en
particulier à Perurena. La remarque de Raphaël sur le cas Barrett quant à sa
fatigue est peut-être aussi une clé pour l’ensemble de l’équipe. De la sorte
j’aurai des questions à poser aux Crusaders à Christchurch.
Je
vais clore pour le moment le d sujet alla black, mais j’y reviendrai en août à
Dunedin pour la Bledisloe Cup en Investec Champioship..
Michel Prieu
Blog
voyage : nouvellezelandeleretour.blogspot.com
Bonjour,
RépondreSupprimerj'ai trouvé ce blog via celui de M. Escot et je me permets de laisser un mot.
Le sujet de la formation m'intéresse énormément, étant éducateur EDR depuis 4 ans, je voulais réagir aux propos repris en début de ce post, sur le plan de formation de la FFR.
la formation que j'ai suivi visait les éducateurs EDR, jusqu'à la catégorie U13 à l'époque.
Si je ne me souviens plus du contenu du plan de formation, le discours tenu par les 2 intervenants en formation était pourtant assez loin de ce que relate votre interlocuteur : ils insistaient lourdement sur le fait de ne pas spécialiser les joueurs aux postes mais de les faire tourner à toutes les taches et tous les rôles du rugby.
Et également de privilégier les situations et les apprentissages en collectif plutôt que des ateliers certes techniques mais déconnectés du réel d'un match de rugby.
Pour eux, "condamner" un gamin de 9 ans en le limitant au poste de pilier parce qu’il est gros et grand est une hérésie : quand il se retrouvera à 15 ans tout filiforme et formaté à rien d'autre que pousser droit devant, il ne trouvera plus sa place que un terrain et arrêtera ce sport. Et même s'il reste très costaud, en quoi n'aurait-il pas le droit lui aussi de se faire plaisir en jouant dans la ligne, en courant et passant le ballon ?
Pour ma part, je suis très réceptif à cette approche que je qualifierait de globale et j'essaye de porter nos U10 vers un jeu global, où tout le monde peut -et doit - tout faire.
Les confrontations lors des plateaux sont éloquentes : beaucoup (trop à mon goût) d'équipes en sont encore à miser sur 2/3 potentiels purement physiques (de grands et/ou gros) pour jouer la gagne.
Dernièrement, nous avons affronté un club où un joueur se détachait par son physique, il nous a planté tout seul 3 essais en 5 minutes. Menant 3-0, son éducateur le fait sortir pour "rééquilibrer". Résultat, le reste de son équipe est perdu, nos gamins ont fait parler leurs aptitudes à la passe et l'évitement et sont revenus à égalité. Le coach adverse veut la gagne fait rerentrer son "dominant", qui autoritairement se charge tout seul de l'engagement, qu'il tente pour lui même pour gagner le match tout seul. Las, il se troue sur le coup de pied (à 10 ans, quoi de plus normal?) et nos gamins en confiance gagnent le match.
j'ai vu ce grand gamin pleurer parce qu'il n'avait pas réussi à gagner le match lui même et ses coéquipiers ne le réconfortaient même pas. ça m'a fendu le cœur. Comment peut-on amener un gosse de 10 ans à cette situation, à se croire tout seul dépositaire des résultats d'une équipe qu'il n'intègre en fait pas ???
cette anecdote illustre pour moi à merveille ce qui ne va pas dans la formation à la française.
La formation initiale des éducateurs, c'est une chose importante mais la bataille se gagnera sur les plateaux, en recadrant les équipes vers ce qui devrait être la priorité : le jeu collectif.
Je constate amèrement les lacunes de notre équipe fanion nationale et si je n'ai aucunement la prétention de former de futurs internationaux, je ne souhaite qu'une chose pour "mes" gosses : qu'ils aient le bagage, y compris moralement, pour continuer à jouer le reste de leur vie et profiter de ce beau sport.
Lors de mon passage en NZ, je n'avais pas pu aller au contact des écoles de rugby locales, je suis donc avidement vos relations de voyage.
C'est un commentaire un peu long, peut-être un peu foutraque, je vous prie de m'en excuser si vous l'avez lu jusque là !
Bon voyage.
F.
Bonjour Lulu,
SupprimerVotre commentaire dit bien ce qu'il veut dire et montre avec ce qui est porté dans l 'article qu'il n'y pas de cohésion. Ce n'est depuis 4 ans qu'en région parisienne on favorise le jeu plus qu'en Province. C'était ainsi quand je jouais à Clamart en 1971-72. Nous savons qu'une fois formés les éducateurs font pour le mieux avec leurs moyens dans leur région.
Cette page est là pour montrer que des formateurs d'enseignants réfléchissent à une autre forme plus propice du jeu que nous aimons. Sans la FFR rien n'est possible pour aller plus loin.
J'aurai l'occasion dans les prochains jours de montrer ce que j'ai trouvé ici pour la formation des éducateurs de U6 à All Black. Vous serez surpris du niveau d'exigence et surtout de la cohésion de l'ensemble de la pyramide.
C'est après midi à Wellington j'ai passé un long moment avec une jeune joueuse Toulousaine qui s'est expatriée pour venir jouer ici parce qu'elle estime avoir été "cassée" dans sa progression à 19 ans par un de ses entraîneurs. Elle joue ici et reprend confiance dans sa progression...
Dans notre sport pour pouvoir espérer un avenir, cette formation nouvelle vers le jeu est à rendre cohérente de l'école à l'équipe première, dans les clubs, les régions pour avoir un espoir pour l'équipe nationale. Il faudra être patient. le voyage NZ est encore long.Les infos seront de plus en plus précises. Pour le moment je suis chez les Hurricanes. Je suis monté du primaire vers le collège, deux clubs amateurs et maintenant la franchise encore différente des Lions de Wellington qui auront leur championnat fin août. les Blacks sont le sommet d'une pyramide qui à sa base est en progrès permanent. Les éducateurs des jeunes sont de mieux en mieux formés...Hansen en est bien content. Il a commis des erreurs. Un joueur des Hurricanes couvre en moyenne 18 km par semaine en 3 séances de terrain. Hansen en a imposé 27 à ses joueurs pour le Lions Tour, ce qui a peut-être émoussé son effectif.Dans l'effort individuel et collectif des équilibres fragiles sont à trouver ce sont les éducateurs qui en ont les clés...
Michel, on te donne le pouvoir de faire revenir Lagarde aux côtés de L'EDF. Pas fastoche. Terrible la fuite des cerveaux !!! Lulu, ton exemple illustre tout à fait le mal être de la formation en France, et ce depuis quelques temps déjà. C'est en haut qu'il faut arriver à ce qu'ils deviennent lagardiens et non pas ringardiens !!
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