Dunedin est une ville particulière en
Nouvelle Zélande. On vous en parlera par ailleurs. Deux établissements dominent
dans l’architecture vus de la colline de Saint Clair, le monumental magasin de
Mitre 10 et le Stade Forsyth Barr.
Il a été construit pour le Championnat du
monde de 2011 et est maintenant utilisé pour le Super Rugby par l’équipe des
Highlanders. Stade fermé , agréable pour le spectateur et pour les joueurs.
La semaine dernière les AB ont ouvert la
saison avec une fessée à laquelle ne s’attendait pas Michael Hooper et son
équipe nationale australienne. Les AB ont récité pendant 50 minutes un rugby
d’ailleurs, comme on aimerait en voir souvent. Un rugby de mouvement…
Mais un match ne ressemble jamais à un
autre surtout entre anglo-saxons. J’admire leur capacité à se remettre en
cause, à s’adapter pour garder la tête haute. Ils sont conquérants, le savent
voire le revendiquent. Ils sont aussi compétents, ils s’en donnent les moyens.
Le matin j’ai fait un petit tour à l’Université
d’Otago, lieu privilégié de savoir et justement de compétences. Elle a un
intérêt particulier pour la vie néozélandaise, c’est la première qui est née
dans ce pays. J’aime toujours me promener dans les rues de savoir, je pense que
l’éducation est l’avenir de la femme et de l’homme, à égalité. L’université est
en pleine ville, le campus des étudiants aussi. Une merveille de compacité de
quoi penser que demain des médecins pourront étudier des sujets de santé avec
des biologistes, des psychiatres voire des ingénieurs parce qu’ils auront fait
du sport ensemble à l’université. Ils sauront se parler même si leurs
disciplines sont cloisonnées.
Se parler, Dunedin est une petite ville,
autour de 125000 habitants dont 20000 étudiants. Tout y est à taille humaine
facile d’y vivre, beaucoup d’activités sportives et culturelles. Sa
caractéristique particulière beaucoup d’innovations sont parties de Dunedin.
Qui dit innovation à mon sens dit
profession et professionnalisme. Celui qui m’intéresse ici est celui du rugby
et des All Blacks en particulier. Une semaine AB à Otago c’est quoi, alors que
Sir Colin Meads vient de passer la main ? C’est d’abord mercredi s’occuper
des écoles.
Une partie des joueurs sont allés s’occuper
d’une centaine de jeunes joueurs d’une école primaire. D’autres ont animé un
camp, toujours de jeunes, toujours moins de 13 ans mais celui-là payant (40 DNZ
la journée). Compétence, gouvernement et financement privé.
N’oublions pas que la marque AB est une
marque de rassemblement voulue par le monde politique et qu’elle doit être
rentabilisée. Avec les anglo-saxons « business is business ». On peut
ne pas aimer mais certains rêves se paient. Les jeunes qui seront passés par
cette journée viendront plus facilement jouer au rugby. En tout cas ils auront
un souvenir impérissable, à leur âge de quoi les structurer.
Jeudi, entraînement fermé. Personne pour
suivre ce que veut Hansen. Il se sert des conférences de presse pour annoncer
la couleur. Il ne veut pas revoir les mêmes erreurs qu’en deuxième mi-temps du dernier match et comme
le ballon ne sera pas mouillé il veut de la vitesse dans le jeu.. En hommage à Sir Colin
Meads les joueurs savent déjà qu’ils n’ont pas le droit de perdre.
Nous voyons aussi dans les journaux que
Kieran Read, (omniprésent un capitaine All Black, rang de premier ministre) s'exprimer chaque jour. Ce
jeune homme est très apprécié par ses actes sur le terrain, mais aussi dans la
vie. Formé à Christchurch et au Crusaders, une lignée de seigneurs, Carter, Mc
Caw pour les plus récents, excusez du peu. Il a une capacité qui fait
l’unanimité à rassembler. Il la joue profil bas, pas de circonstance,
l’humilité de ses grands joueurs est une vérité. Un comportement, une attitude
mentale née d’un travail dur et d’une concurrence féroce.
Michael Cheika de son côté a préparé ses
troupes à Christchurch pour ne pas perturber la petite ville de Dunedin. La
ville n’en fait pas trop, bien sûr les magasins sont de couleur : noir et
blanc. Le drapeau noir à la fougère argentée flotte sur les jambes des
lampadaires. La place Moray, The Octogon s’habille pour le début et la fin de
soirée.
Les gens sont flattés de recevoir un match
des All Blacks, un plaisir discret, presque réservé mais enjoué. Au
restaurant le Bacchus (peut pas s’inventer, belle table , grand chefs, une dame
pour le lunch et un monsieur pour le
soir) où nous étions lundi , le chef de rang Etephen nous en a parlé longuement.
Nos hôtes aussi ont apprécié, dans les
magasins on nous a conseillé de bien se couvrir et de « profiter » le
« enjoy » d’ici. Cette modestie n’empêche pas la fierté et d’un côté
cela me ravit.
Vendredi pas de repos pour les forçats du
jeu que l’on chérit. « Captain run », sans invités. Puis retour aux
affaires, pas le tout d’être professionnel, prendre de l’argent en faisant le
métier pour lequel on a trimé pour se démarquer. Il faut représenter les
marques et les sponsors. Il faut par la même occasion renforcer l’image des All
Blacks, chez ANZ cette fois. Il faut payer pour y aller ou être invité.
Comme par hasard, une grande réunion
politique sur la région avait lieu à Dunedin ce même jour. Les politiques vont
rester pour le match demain. Pour réserver un restaurant pour vendredi et
samedi c’est fini, le weekend est complet depuis bien longtemps.
Samedi jour de match. La ville est noire et
blanche avec un peu jaune et verte seulement. Quelques supporters prennent leur
breakfast en attendant d’aller promener dans le quartier. Les écharpes ou les
bonnets de la coupe du monde 2015 sont sortis pour les gens de Dunedin. On en trouve à l’Université
d’Otago, des étudiants font visiter leurs parents ou grand-parents, en ville de
tous les côtés. Comme on est en noir, un grand bonjour et « enjoy »
qui sert de passeport. Un calme une joie exprimée par un sourire et le brillant
des yeux.
Vers 15 heures des frimousses se sont
fardées, certains sont déguisés. Vers 17 heures on est parti en ville pour prendre
la température. On sait que dans les paris 70% donnent les Blacks gagnants. A
dire vrai, je m’attends à un match serré car je crois les Australiens capables
de s’adapter. Ils l’ont déjà montré. Dans le journal (Otago Daily Times) il est écrit ce
matin qu’ils se sont reconstruits dans la semaine.
Remarque aussi que sur la une du journal,
c’est une gamine de 15 ans, troisième ligne des filles de son collège qui
montre la Bledisloe Cup. Née ici, même si elle vit en Australie, son cœur est
noir et blanc. Les racines, c’est sacré et on n’oublie jamais la couleur de son
premier maillot. Un journal qui dans la semaine n’en a pas fait des tonnes sur
le match passé ni sur l’avenir. Des attentes pour une belle rencontre et la
gagne en deux manches pour la Bledisloe Cup.
Sympa d’avoir vu dans les rues toute la
journée des groupes de supporters australiens, faciles à reconnaître cornaqués
par un couple ou un monsieur aux couleurs des All Blacks. Même remarque au bar
avant d’entrer au stade. Parmi les convives de la place Moray, un groupe de
jeunes français qui font le tour du monde. Moment d’écoute attentive pour les
entendre dire qu’ils sont heureux d’avoir décidé d’aller voir ailleurs avant de
rentrer en France pour travailler. "Les voyages forment la jeunesse" trop de gens en sont restés à la maxime et ne sont jamais allés plus loin sue le bout de leur nez. Cela ne les empêche pas de donner des leçons. Ces jeunes gens ont vu ce que c’était c’est ailleurs que l’on croit
meilleur, ses difficultés, ses peurs que l’on se pourrit la vie à vouloir rêver
au lieu d’y travailler. Le rugby du monde porte des valeurs que rugby de France
a laissé tomber et son rugby en meurt.
Messieurs les joueurs de Championship à vous
de jouer. C’est l’heure, les 30000 places du Stadium seront occupées. Agréable
mais mal assis après quelques minutes. Particularité non précisée sur les billets aucune caméra, aucun
appareil photo autorisé. Une incongruité des sponsors, pas moyen de négocier,
il a fallu s’adapter. Ils n’ont pas été jusqu’à faire déposer les smartphones.
Mal placé derrière la ligne de but mais
chance, face à la tribune de Skysport. Juste au-dessus du podium des
commentateurs professionnels, il n’y a qu’à les voir se préparer : Jeff Wilson,
Scott Robertson, Andrew Merthens, John Kirwan. Bonjour les analystes ! Ils
ne parlent que de ce qu’ils connaissent et voient. Pas d’envolées lyriques du
travail de professionnel.
Echauffement sur le terrain pendant que le
stade se remplit, frittes (française plus des français pas loin et pas
discrets), bières et saucisses de sortie comme de tradition ici. Le stade est
noir de monde et une tache de jaune en tribune de face.
Un long reportage vidéo sur Sir Colin
Meads, après une longue émission spéciale passée à la télévision nationale. Paysan
solide et symbole assumé de la Nouvelle Zélande, dur au mal, intègre contre
vents et marées. Un homme un peu rustre dans lequel se reconnaissent beaucoup
de gens d’ici.
Bronca d’entrée pour les joueurs
Australiens mais ovation pour celles des All Blacks. Le stade est clairement
orienté c’est dit, cela va le rester. Le fair play des néozélandais, pas dans
la tasse de thé mais pas non plus dans le bock de bière.
Professionnalisme aussi dans la cérémonie
d’ouverture. Les drapeaux portés par des militaires en tenue. Les bannières au
sol posées par des enfants qui sont tous habillés du maillot noir floqué du
N°5. Entrée toujours respectée des Maoris, l’autre langue du pays. Minute de
silence pour Sir Colin Meads
Pendant les hymnes sur écran géant les
paroles du chant et traduction en langue des signes, troisième langue
officielle.
Je ne vais pas raconter le match, mais
scénario parfait pour un beau match que comme dit Richard Escot :
« Sir Colin aurait aimé ». Gros match en vérité qui montre que le
haut niveau est serré. A peine une équipe baisse de pied qu’elle se fait
renverser.
Clairement les AB se sont pris les pieds
dans le tapis, mais les Australiens avaient mis un lion dans le moteur, trouvé
le bon rythme et l’accélérateur pour avancer, perforer, performer. Peut-être pour cette raison que Bernard
Foley a raté ses coups de pied. Pour le reste accélération et surtout lecture
de défense adaptée. 17 points en 17 minutes comme la semaine dernière mais à
l’inverse.
Pas de rythme continue cependant, dans le
stade un Nigel Owens qui met du temps à prendre des décisions. Et que font les
All Blacks pendant ce temps. Captain Read met de l’ordre dans la maison. Par
touches successives les AB remettent à redresser leur jeu. Des gars ne sont pas dans le
coup, SBW en particulier. Le pack met la pression et les AB reviennent. 5
essais en première mi-temps, rugby de décisions et de mouvement. Aaron Smith et Bauden Barrett (2 fois) à la conclusion pour exemple
La seconde mi-temps scénario équilibré, on
se bat, on rend coup pour coup. L’Australie fait mieux que se défendre, elle
agresse. Mais les AB ne desserrent pas l’étau. Point d’orgue le dernier essai.
Impératif de gagner le ballon pour pouvoir gagner et qui le fait ? Captain
Read ensuite les autres font le métier cette volonté de déplacer le ballon, de
s’épauler et pour terminer Barrett. Au passage il a montré ce qu’est de jouer
au pied : mettre la balle où il n’y a personne et Folau n’est pas un
Mickey.
Le stade a explosé mais les australiens ont
de quoi sortir la tête haute, c’est ce qu’ils ont fait rassurés, les joueurs
ont assumé. Belle soirée de rugby.

Pour rentrer au café sous la tente payer 5
DNZ pour les étudiants de l’Université. Une bière en musique avec plein de gens
enjoués, australiens mêlés. Vous parlez d’une soirée dans la ville de rugby la
plus éloignée de Londres, 19000 km.
Professionnalisme aussi, à la mi-temps,
rappel appuyé pour ne pas laisser tomber les Black Ferns qui joueront demain
matin la finale de la Coupe du Monde que les
« filles » françaises une fois de plus ont raté. Dans ce sport
nous sommes clairement des amateurs assez peu éclairés. Les Anglaises vont
représenter l’Europe du rugby avec leurs qualités : puissance et sérieux.
Pendant ce temps, les joueurs un à un répondent aux questions des journalistes pour l'ensemble de la presse (en fonction de leurs notes accordées et des awards gagnés). Nous pouvons les voir sur tous les écrans de la rue. Ils font l'analyse de leur match, souvent sans langue de bois, surtout après un match comme celui que nous venons de voir.
Pendant ce temps, les joueurs un à un répondent aux questions des journalistes pour l'ensemble de la presse (en fonction de leurs notes accordées et des awards gagnés). Nous pouvons les voir sur tous les écrans de la rue. Ils font l'analyse de leur match, souvent sans langue de bois, surtout après un match comme celui que nous venons de voir.
Nous avons passé une belle soirée sportive , avec beaucoup de convivialité; des valeurs faciles à retrouver si nos joueurs veulent jouer au rugby au lieu de penser travailler.
Michel
Prieu
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