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20 - Australie - All Blacks:Sydney, quel match! (21 Août 2017)

Samedi soir avait lieu le premier match du Investec Championship 2017 des équipes nationales de l’hémisphère sud. Reprise annuelle comme chez nous le VI Nations qui nous plonge entre espoir et appréhension…Comment mesurer des progrès ? Comment mieux jouer ? Serons-nous à la hauteur ? Sempiternelles questions.

Depuis vendredi le weekend de rugby a été lancé, le championnat national des provinces vient de commencer aussi. Les 6 matches que j’ai suivis ont été disputés à l’exception de Tasman- Canterbury les deux académies sœurs. Canterbury (qui fournit et vit à côté de Crusaders à Christchurch) est un cran au-dessus par la qualité de son jeu.

Ce championnat des Provinces est la nursery des cinq franchises du Super rugby, beaucoup de jeunes nouveaux y sont sélectionnés pour en fin de saison trouver une place plus proche de la consécration.

Le match phare était l’entrée en lice des AB en Australie. Les Australiens avaient pris soin comme le font maintenant les équipes nationales de se préparer correctement en dehors des exigences des clubs. Rassemblement auprès du staff de Michael Cheika.

Le Super Rugby s’est terminé le 5 août et pas une équipe d’Australie n’était concernée depuis les quarts de finale, les Stormers seuls qualifiés ayant été battus par Hurricanes il y a déjà un mois. Sur cinq franchises NZ présentées dans le SR 2017, 4 étaient en quart de finale. J’essaierai de comprendre pourquoi les Blues d’Auckland de Tana Umaga ne sont pas là. Il faut dire que la SANZAR a inventé une machine à gaz qui demanderait à être revue pour un peu plus d’équité sportive. Mais il était clair dans mon esprit que l’Australie, avant de commencer, n’était pas à la hauteur pour se frotter aux All Blacks.

Tous les gens compétents du rugby et des autres sports savent quelle est l’opposition entre les deux nations. Elle se détestent cordialement.

Autre point important d’avant match, la pression a clairement été mise sur les AB après le match nul peu apprécié avec les Lions Britanniques. J’ai dit clairement que Hansen avait commis des erreurs de coaching, voire de composition d’équipe ce qui a été aussi signalé par nombre de spécialistes locaux.

Hansen a commis plusieurs erreurs à mon sens. Il fait confiance à des joueurs qui ont du mal en ce moment, Kaino, Julian Savea qui ont de problèmes personnels et qui ne sont pas performants. Certes il a dû composer avec des blessures, mais il avait des joueurs en remplacement. Porter le maillot All Black rend les joueurs différents !

Avec cela des joueurs ont été défaillants. Bauden Barrett en particulier au pied. Il le sait, tout le monde le sait même s’il n’est pas jugé et critiqué ouvertement. Pas sûr que dans le vestiaire ce ne se soit pas passé. L’omerta ici je crois que l’on connaît.

Le coach lui-même a commis avec lui un raté. Appeler Jordie Barrett et ne pas lui permettre de butter alors que c’est son rôle en club avec son frère, tient de l’aveuglement ou de la facilité. Au cours des matches en particulier le dernier, il a fait rentrer trop tard Perenara qui est un gagneur mais surtout l’homme qui lance les avants, les harcèle sans arrêt. Aaron Smith est important en début de match par sa transmission rapide (Perenara est capable d’enterrer des ballons), il permet de mettre un rythme infernal dans le jeu.

Péché d’orgueil de Hansen encore de ne pas tenir compte du fait que Gatland est néozélandais même depuis longtemps exilé. Pas sûr en plus que les deux hommes soient enclins à fraterniser. Le jeu Européen est un jeu de contre lourd, les joueurs sont puissants, les impacts usent les adversaires.

De fait la conquête est difficile contre des joueurs expérimentés en touche comme en mêlée. Dans les rucks, faut mettre la tête où d’autres ne mettraient pas les pieds. Les All Blacks à ce jeu technique sortent souvent vainqueurs au cours de leur année. Pas vraiment l’habitude d’être contrés. Ils peuvent alors s’impatienter.

Les Britanniques qui ont colonisé la Nouvelle Zélande ne sont pas en panne de caractère, être Lion est un honneur sans nom pour un joueur autant que d’être All Black. Plus ? Peut-être, cette sélection ne vient que tous les 4 ans.

Gatland a été capable de lire les plans des AB et de mettre son équipe au niveau, je veux dire dans le rythme d’une partie. Sans compter que les joueurs des Lions sont compétents et ont compris comment s’adapter.

Je sais par les renseignements pris ici avec le retour des données GPS que les exigences de performance demandées par Hansen aux joueurs sont plus élevées que ce qui est demandé dans les franchises. Bauden Barrett était certainement fatigué lors des matches 2 et 3 de la série, d’où ses échecs dans les tirs au but (domaine dans lequel il n’est pas le plus doué). Par contre il a été bon au pied pour alterner et déplacer le jeu.

La force des AB est de mettre d’entrée de jeu une intensité considérable qui asphyxie l’adversaire. Aucune équipe ne peut y résister actuellement, elle craque rapidement, les joueurs adverses sont dans le rouge entre défense et replacement le rythme est infernal.

Cependant les joueurs internationaux, sont loin d’être cons, ils savent répéter les efforts, leur entraînement le leur permet. Ils montent leur niveau comme en match-play au golf. Certains joueurs vont s’écrouler face à l’adversité mais les meilleurs savent hausser le niveau de jeu pour répliquer.

Après avoir compris le niveau d’exigence de l’intensité, les Lions au bout de 3 matches ont aussi déchiffré les plans de jeu et ont été en mesure d’en proposer un qui a failli marcher.

Même chose pour les Australiens, débordés au début comme toutes les autres dès que les AB ont baissé de pied (54 à 6, on peut bien le comprendre) ils sont revenus.

Pourquoi les AB sont-ils capables de marquer points en 50 minutes ?

Chaque AB, individuellement est un monstre de technique à son poste. La formation au poste vient très tard chez les jeunes et chacun a joué à des postes différents leur dextérité, leur polyvalence vient de là (cf l’échappée de Moody…wouawh ! )

Tous les skills d’entraînement sont fait dans le but de jouer. Ils sont exécutés à pleine vitesse, supérieure à celle d’un match. Quand le coach n’est pas satisfait on recommence…, sans broncher. Les joueurs habitués à ainsi s’entraîner ont confiance en eux et face au plan de jeu ont un temps de réaction des plus courts pour prendre une décision. Ils jouent et prennent naturellement les initiatives qui mettent l’adversaire en grande difficulté (combien de passes s instantanées sur moins d’un pas ...)

Jeu dans l’intervalle, jeu debout, passes après contact, passe acrobatique, rien n’est négligé. Le leitmotiv est de faire vivre le ballon, de le porter le plus vite possible dans l’espace qui va faire avancer, déséquilibrer l’adversaire, relancer même sens ou opposé, permettre l’essai.

Cette intensité apporte aussi une vivacité en défense qui gêne l’adversaire, l’impressionne, le fait déjouer tomber la balle. Turnover autre secret, le meilleur pour au bout aller à l’essai. Cette capacité est une marque de fabrique des AB.

L’extrême pression demandée aux préparateurs physiques est pour les AB bien supérieure aux standards connus. Les joueurs qui ne sont pas au niveau ne peuvent le cacher, dès l’entraînement cela se voit comme le nez au milieu de la figure. Les joueurs sont écartés, priés de se mettre au niveau qui les ont un moment qualifié pour être sur une feuille de match. Dure réalité…pas facile à gérer.

Autre élément clé, le soutien, travaillé sans arrêt. Chaque partie de terrain est quadrillée. Le joueur met le ballon (passe aveugle) qu’un autre va récupérer (chez les plus jeunes de 17 ans c’est encore plus impressionnant). Ce n’est pas inné c’est travaillé depuis les plus jeunes années. Tous les skills des entraîneurs sont proposés par les coaches de la Fédération. Ils passent dans les clubs pour en donner les fondements. Les jeunes répètent au collège, high school et club… Tout est contrôlé, les meilleurs ont la possibilité de s’entraîner à l’académie pour mieux encore se former. Sans arrêt, il répète les gestes qui vont lui permettre de déséquilibrer son adversaire direct.

Chaque match terminé pour préparer le suivant même scénario, travail à la vidéo. Pas une critique systématique du coach. Chaque joueur est amené à réfléchir à ce qu’il a fait. Pour s’éduquer et ne pas renouveler la même erreur. Compliqué de comprendre ce qui est sa responsabilité. Question d’éducation d’origine !

Chaque joueur dans son club est depuis son plus jeune âge en concurrence avec ses camarades, mais il sait que l’équipe est plus importante que lui-même. En club, le droit d’image n’existe pas. Tout le monde travaille pour que l’équipe gagne et pas pour se faire mousser. Les coaches sont très sensibles à cela, ils veulent former des hommes avant de former des joueurs. Chacun a sa chance mais il sait qu’il a des devoirs avant de penser à ses droits. Cette humilité, cette lucidité, leur solidarité est impressionnante.

Les encouragements sont permanents. Les fautes on va en parler mais pour rectifier, éduquer…au vestiaire sans aménité mais pas pour juger et casser, pour que l’équipe puisse gagner en qualité. Le maillon faible est amélioré même s’il peut à un moment être remplacé.

C’est ce que se match a montré et que je peux voir depuis que je suis là même dans les équipes de club, même chez les filles. Chez les jeunes alors que l’on voit plus d’erreurs (ce qui est normal) les intentions sont là. Alors l’ensemble des pays n’ont plus qu’à s’accrocher. Pas un n’est aussi organisé.

Pour le prochain match les Australiens auront appris mais les All Blacks sont obligés de mettre tout leur poids dans le match en hommage à Sir Colin Meads…

Cette fois, je serai au match pour voir si le scénario  se répète à nouveau.



Michel Prieu

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