Samedi
soir avait lieu le premier match du Investec Championship 2017 des équipes
nationales de l’hémisphère sud. Reprise annuelle comme chez nous le VI Nations
qui nous plonge entre espoir et appréhension…Comment mesurer des progrès ?
Comment mieux jouer ? Serons-nous à la hauteur ? Sempiternelles
questions.
Depuis
vendredi le weekend de rugby a été lancé, le championnat national des provinces
vient de commencer aussi. Les 6 matches que j’ai suivis ont été disputés à
l’exception de Tasman- Canterbury les deux académies sœurs. Canterbury (qui
fournit et vit à côté de Crusaders à Christchurch) est un cran au-dessus par la
qualité de son jeu.
Ce
championnat des Provinces est la nursery des cinq franchises du Super rugby,
beaucoup de jeunes nouveaux y sont sélectionnés pour en fin de saison trouver
une place plus proche de la consécration.
Le
match phare était l’entrée en lice des AB en Australie. Les Australiens avaient
pris soin comme le font maintenant les équipes nationales de se préparer correctement
en dehors des exigences des clubs. Rassemblement auprès du staff de Michael
Cheika.
Le
Super Rugby s’est terminé le 5 août et pas une équipe d’Australie n’était
concernée depuis les quarts de finale, les Stormers seuls qualifiés ayant été
battus par Hurricanes il y a déjà un mois. Sur cinq franchises NZ présentées
dans le SR 2017, 4 étaient en quart de finale. J’essaierai de comprendre
pourquoi les Blues d’Auckland de Tana Umaga ne sont pas là. Il faut dire que la
SANZAR a inventé une machine à gaz qui demanderait à être revue pour un peu plus
d’équité sportive. Mais il était clair dans mon esprit que l’Australie, avant
de commencer, n’était pas à la hauteur pour se frotter aux All Blacks.
Tous
les gens compétents du rugby et des autres sports savent quelle est
l’opposition entre les deux nations. Elle se détestent cordialement.
Autre
point important d’avant match, la pression a clairement été mise sur les AB
après le match nul peu apprécié avec les Lions Britanniques. J’ai dit
clairement que Hansen avait commis des erreurs de coaching, voire de
composition d’équipe ce qui a été aussi signalé par nombre de spécialistes
locaux.
Hansen
a commis plusieurs erreurs à mon sens. Il fait confiance à des joueurs qui ont
du mal en ce moment, Kaino, Julian Savea qui ont de problèmes personnels et qui
ne sont pas performants. Certes il a dû composer avec des blessures, mais il
avait des joueurs en remplacement. Porter le maillot All Black rend les joueurs
différents !
Avec
cela des joueurs ont été défaillants. Bauden Barrett en particulier au pied. Il
le sait, tout le monde le sait même s’il n’est pas jugé et critiqué
ouvertement. Pas sûr que dans le vestiaire ce ne se soit pas passé. L’omerta
ici je crois que l’on connaît.
Le
coach lui-même a commis avec lui un raté. Appeler Jordie Barrett et ne pas lui
permettre de butter alors que c’est son rôle en club avec son frère, tient de
l’aveuglement ou de la facilité. Au cours des matches en particulier le dernier,
il a fait rentrer trop tard Perenara qui est un gagneur mais surtout l’homme
qui lance les avants, les harcèle sans arrêt. Aaron Smith est important en
début de match par sa transmission rapide (Perenara est capable d’enterrer des
ballons), il permet de mettre un rythme infernal dans le jeu.
Péché
d’orgueil de Hansen encore de ne pas tenir compte du fait que Gatland est
néozélandais même depuis longtemps exilé. Pas sûr en plus que les deux hommes
soient enclins à fraterniser. Le jeu Européen est un jeu de contre lourd, les
joueurs sont puissants, les impacts usent les adversaires.
De
fait la conquête est difficile contre des joueurs expérimentés en touche comme
en mêlée. Dans les rucks, faut mettre la tête où d’autres ne mettraient pas les
pieds. Les All Blacks à ce jeu technique sortent souvent vainqueurs au cours de
leur année. Pas vraiment l’habitude d’être contrés. Ils peuvent alors
s’impatienter.
Les
Britanniques qui ont colonisé la Nouvelle Zélande ne sont pas en panne de caractère,
être Lion est un honneur sans nom pour un joueur autant que d’être All Black.
Plus ? Peut-être, cette sélection ne vient que tous les 4 ans.
Gatland
a été capable de lire les plans des AB et de mettre son équipe au niveau, je
veux dire dans le rythme d’une partie. Sans compter que les joueurs des Lions
sont compétents et ont compris comment s’adapter.
Je
sais par les renseignements pris ici avec le retour des données GPS que les
exigences de performance demandées par Hansen aux joueurs sont plus élevées que
ce qui est demandé dans les franchises. Bauden Barrett était certainement
fatigué lors des matches 2 et 3 de la série, d’où ses échecs dans les tirs au
but (domaine dans lequel il n’est pas le plus doué). Par contre il a été bon au
pied pour alterner et déplacer le jeu.
La
force des AB est de mettre d’entrée de jeu une intensité considérable qui
asphyxie l’adversaire. Aucune équipe ne peut y résister actuellement, elle
craque rapidement, les joueurs adverses sont dans le rouge entre défense et
replacement le rythme est infernal.
Cependant
les joueurs internationaux, sont loin d’être cons, ils savent répéter les
efforts, leur entraînement le leur permet. Ils montent leur niveau comme en
match-play au golf. Certains joueurs vont s’écrouler face à l’adversité mais
les meilleurs savent hausser le niveau de jeu pour répliquer.
Après
avoir compris le niveau d’exigence de l’intensité, les Lions au bout de 3
matches ont aussi déchiffré les plans de jeu et ont été en mesure d’en proposer
un qui a failli marcher.
Même chose pour les Australiens, débordés
au début comme toutes les autres dès que les AB ont baissé de pied (54 à 6, on
peut bien le comprendre) ils sont revenus.
Pourquoi les AB sont-ils capables de marquer points en 50 minutes ?
Chaque AB, individuellement est un monstre
de technique à son poste. La formation au poste vient très tard chez les jeunes
et chacun a joué à des postes différents leur dextérité, leur polyvalence vient
de là (cf l’échappée de Moody…wouawh ! )
Tous les skills d’entraînement sont fait
dans le but de jouer. Ils sont exécutés à pleine vitesse, supérieure à celle
d’un match. Quand le coach n’est pas satisfait on recommence…, sans broncher. Les
joueurs habitués à ainsi s’entraîner ont confiance en eux et face au plan de jeu
ont un temps de réaction des plus courts pour prendre une décision. Ils jouent
et prennent naturellement les initiatives qui mettent l’adversaire en grande
difficulté (combien de passes s instantanées sur moins d’un pas ...)
Jeu dans l’intervalle, jeu debout, passes
après contact, passe acrobatique, rien n’est négligé. Le leitmotiv est de faire
vivre le ballon, de le porter le plus vite possible dans l’espace qui va faire
avancer, déséquilibrer l’adversaire, relancer même sens ou opposé, permettre
l’essai.
Cette intensité apporte aussi une vivacité
en défense qui gêne l’adversaire, l’impressionne, le fait déjouer tomber la
balle. Turnover autre secret, le meilleur pour au bout aller à l’essai. Cette
capacité est une marque de fabrique des AB.
L’extrême pression demandée aux
préparateurs physiques est pour les AB bien supérieure aux standards connus.
Les joueurs qui ne sont pas au niveau ne peuvent le cacher, dès l’entraînement
cela se voit comme le nez au milieu de la figure. Les joueurs sont écartés,
priés de se mettre au niveau qui les ont un moment qualifié pour être sur une
feuille de match. Dure réalité…pas facile à gérer.
Autre élément clé, le soutien, travaillé
sans arrêt. Chaque partie de terrain est quadrillée. Le joueur met le ballon
(passe aveugle) qu’un autre va récupérer (chez les plus jeunes de 17 ans c’est
encore plus impressionnant). Ce n’est pas inné c’est travaillé depuis les plus
jeunes années. Tous les skills des entraîneurs sont proposés par les coaches de
la Fédération. Ils passent dans les clubs pour en donner les fondements. Les
jeunes répètent au collège, high school et club… Tout est contrôlé, les
meilleurs ont la possibilité de s’entraîner à l’académie pour mieux encore se
former. Sans arrêt, il répète les gestes qui vont lui permettre de
déséquilibrer son adversaire direct.
Chaque match terminé pour préparer le
suivant même scénario, travail à la vidéo. Pas une critique systématique du
coach. Chaque joueur est amené à réfléchir à ce qu’il a fait. Pour s’éduquer et
ne pas renouveler la même erreur. Compliqué de comprendre ce qui est sa
responsabilité. Question d’éducation d’origine !
Chaque joueur dans son club est depuis son
plus jeune âge en concurrence avec ses camarades, mais il sait que l’équipe est
plus importante que lui-même. En club, le droit d’image n’existe pas. Tout le
monde travaille pour que l’équipe gagne et pas pour se faire mousser. Les
coaches sont très sensibles à cela, ils veulent former des hommes avant de
former des joueurs. Chacun a sa chance mais il sait qu’il a des devoirs avant
de penser à ses droits. Cette humilité, cette lucidité, leur solidarité est
impressionnante.
Les encouragements sont permanents. Les
fautes on va en parler mais pour rectifier, éduquer…au vestiaire sans aménité
mais pas pour juger et casser, pour que l’équipe puisse gagner en qualité. Le
maillon faible est amélioré même s’il peut à un moment être remplacé.
C’est ce que se match a montré et que je
peux voir depuis que je suis là même dans les équipes de club, même chez les
filles. Chez les jeunes alors que l’on voit plus d’erreurs (ce qui est normal)
les intentions sont là. Alors l’ensemble des pays n’ont plus qu’à s’accrocher.
Pas un n’est aussi organisé.
Pour le prochain match les Australiens auront
appris mais les All Blacks sont obligés de mettre tout leur poids dans le match
en hommage à Sir Colin Meads…
Cette fois, je serai au match pour voir si
le scénario se répète à nouveau.
Michel
Prieu
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