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28 - Tournées : vers quoi? (25 juin 2018)




Bonjour à tous,



J’ai attendu ce matin pour écouter une fois de plus les commentaires des protagonistes du dernier match de la tournée d’été en Nouvelle Zélande des rugbymen français rescapés du Top 14 2017-2018. Je suis catastrophé du peu de réalisme face à la situation engendrée par les 5 raclées enregistrées (les Barbarians ont dérouillé face à des clubs).

En premier lieu, je me demande qu’est-ce qui a bien pu donner l’espoir durant toute la semaine de pouvoir gagner. Pendant que la tension optimiste montait aux antipodes l’ensemble de l’équipe se faisait pourrir dans les journaux et la TV.

Se demander comment McKenzie a pu se transcender c’est lui manquer de respect. Il en a entendu des vertes et des pas mures à longueur de journée par des gens qualifiés suite au second test et le replacement de Beauden Barrett. Ne pas bien jouer, être désordonné c’est salir l’image de tous les Néozélandais. Chacun sa fierté.

La notre est en berne depuis des années mais on cherche les miettes pour se réconforter. Rien n’est tout à fait négatif dans tous les échecs que l’on peut rencontrer. Je souscris à cette vérité pour l’avoir maintes fois appliquée.

Voyons un peu les faits. Tournée vers l’avenir pour savoir où l’on est les voyages lointains sont trop courts pour pouvoir en profiter. Les joueurs sont fatigués et d'autant plus que je ne suis pas sûr qu'ils soient bien préparés pour changer de jeu. Le jeu du sud est fait de courses, de mouvements rapide de changements attaque-défense à grande cadence. Notre championnat ce n'est pas du tout ce schéma.

A peine rentrés et peu reposé le travail va reprendre pour se préparer pour le championnat domestique, celui qui vous fait manger. Un championnat dont le jeu consiste à détruire plutôt qu’à créer. Pas seulement du spectacle ce serait trop demander mais seulement un jeu un peu plus aéré. Est-on sûr qu'ils se soient envoyés? Je crois que oui, la première surprise passée. Ils n'avaient pas imaginé. Vexés.

Pour arriver à rivaliser un jour? Changer d’angle de vue pour notre championnat. Trouver une formule avec les actionnaires pour avoir une vision différente. Mettre de l’humanité dans le jeu, respecter les hommes et donc s’organiser autrement. Dans cette transition du monde ce mot me vient à chaque instant pour remarquer qu’il ne faut pas tout jeter mais mettre des actes au bout de ses idées. Réfléchir et décider pour définir une autre politique. Le championnat qui nous est vendu aujourd'hui n'a pas d'intérêt sportif dans sa première phase. L'intérêt du public commence aux barrages. J'ai abandonné mes abonnements TV et je ne me déplace que pour les demi-finales. L'an prochain ce ne sera pas le cas, le prix des places et du déplacement ont un coût qui n'est pas amorti par le spectacle donné. Seule la rencontre des amis à un intérêt.

Nous voilà avec une équipe de U20 championne du monde et leurs ainés en seconde division internationale. Les Irlandais viennent de marquer leur histoire d’une pierre blanche en gagnant leur tournée en jouant comme des Irlandais. Belle identité dans un pays où pas mal de leurs ancêtres ont été déportés aux bagnes qui y furent créés.

Que nous apprennent ces tournées quand les championnats en Europe sont carrément engorgés. Que ce n’est pas de la sorte qu’aujourd’hui on peut progresser. Individuellement et collectivement pour viser le haut niveau, mieux vaudrait le programmer. Nous ne faisons que nous comparer à un moment donné. Rien à voir avec la réalité.

Je ne sais pas dire si les AB sont dans la vérité et s’ils sont heureux dans le jeu qu’ils ont programmé mais ils savent (de ce que j'ai appris) où l’an prochain ils veulent arriver. Ce dernier test a été une démonstration chirurgicale dans la salle d’opération de Dunedin, juste à côté de l’Université d’Otago où j’aurais adoré étudier.

Je n’ai pas souvenir d’avoir vu la vitesse autant à l’honneur. Vitesse individuelle et vitesse collective pour se regrouper et enfoncer un clou déjà pré-planté. McKenzie mais surtout Ioane dont les appuis ont sans doute été amplifiés par le terrain proposé.

Des nouveaux dans l’équipe mais rien n’est changé toutes les équipes du pays sont informées de ce qui est attendu par l’équipe nationale. Le projet est en place depuis des années et toutes les nuances sont permises si les thèmes énoncés et sans arrêt vérifiés sont respectés.

Todd n’est pas toujours titulaire parce qu’il est ménagé. Il joue ou entre en fonction de ce qui est proposé par l’équipe adverse. C’est le plus polyvalent des 3èmelignes, il sait bien tout faire. Ce qui est important c’est que chacun sait aussi tout faire dans son environnement. Pilier ou arrière par définition vous êtes polyvalent et vous savez vous adapter depuis déjà des années. Voir l’essai de Moody la semaine dernière et celui de Ioane ce samedi, main à main dans l’intervalle rapproché. Cousu main, ça marche à tous les coups, du rugby moderne et …ancien.

Le squad de Hansen est formé depuis longtemps mais il est en train de préparer son histoire personnelle: gagner l’an prochain un troisième mondial. Il donne du temps de jeu aux joueurs qui ont su être patients et seront la future relève. La blessure de Read fait éclore le frangin de Whitelock la poutre du pack. Scott Barrett fait son chemin comme arracheur de balle. Remettre McKenzie pour ce match c’était juste pour montrer sa capacité à résister aux critiques. Avec les Highlanders, il est fantasque et généreux mais avec les AB faut vraiment assurer. Chapeau de la présentation.  Sopoaga a anticipé pour choisir le Top 14 et Mo’unga devra attendre un peu pour terminer les matches déjà gagnés. Le message est clair, l’un et l’autre manquent de vitesse. Les frères Beauden et Jordie Barrett et Mckenzie les laissent à 10 mètres.

C’est peu dire que Hansen a choisi la vitesse pour jouer au Japon. Dernier point pour cela, individuellement chaque joueur AB est un athlète. Je veux dire par là qu’il possède à son poste le gabarit et le poids défini parle jeu à mettre en place. Un standard de performances à été mis en place en termes de poids, d’intensité et d’endurance. Regardez l’attitude des joueurs en cours de match. Pas un ne change de stature, presque pas essoufflé, à fond pour se regrouper, glisser, se projeter, au soutien de celui qui a percé…La lucidité vient de la capacité à résister à l’effort demandé. Seule solution s’y préparer. J’ai écrit sur mon dernier papier que tout est énergie : E=P x Intervalle de temps. Je pourrais mettre I comme intensité en électricité. Je ne sais pas définir ce niveau d’intensité mais il est créé par le rythme de l’entraînement.

Par moment les français l’ont trouvé mais pas sur la durée car justement cette « caisse » se bâtit sur la durée. Exigence des athlètes de 800 ou de 1500m qui avec l’aide de leur talent souffrent à l’entraînement. Pour cela ils ont une vision de la carrière qu’ils veulent avoir alors que nos joueurs ne visent que le salaire qu’ils peuvent avoir. Pas la même exigence pour se transcender. 

Alors parler de dopage, peut-être puisque je peux penser avec mes souvenirs que tous les joueurs se chargent. Mais y a-t-il un dopant pour donner de la vitesse?

Quand les AB ont une équipe, comme les Irlandais nous avons sans arrêt une sélection. Simplement parce que nous n’avons pas de vision. Pas de standard d’évolution pour le haut niveau actuel. Je pense qu’il pourrait être obtenu par une approche du rugby à 7 qui de mon point de vue réclame des qualités de coureur de 400 ou 800 m.

Mais ce n’est pas l’emploi proposé par le Top 14. Les chefs d’entreprise seront peut-être obligés d’y arriver. Les interactions entre la FFR et la LNR seront longues à régler. Mettre en place en particulier la transition 20-24 ans étant sûrement aussi un énorme sujet à traiter. J’ai souvent écrit sur le sujet que c'était la même chose en golf mais on pourrait parler aussi de tennis: cette perte de confiance au passage de l'âge adulte est culturelle. Pour atteindre le niveau d’exigence du plan mondial il est nécessaire de monter encore le niveau d'exigence et l'on ne sait pas le faire dans ces trois disciplines. D'autres ont trouvé des solutions individuellement et collectivement.

Regardez ce qui se passe en basket. Nos jeunes ont draftés par la NBA. Ils ne jouent pas tout de suite, les clubs les mettent au standard avant de les intégrer. Parker à montré le chemin. La lignée qui a suivi est en augmentation permanente. Tony en créant son académie est obligé de déchanter. Il devra durcir le travail demandé pour obtenir à Villeurbanne le niveau de jeu qu’il a souhaité imposer. Pas encore gagné.

Je parle de cela dans plusieurs domaines de l’industrie et du sport. J’ai vu des dizaines et des dizaines d’entreprises, constaté les lois du succès. Vision-objectif-attitude-effort-humilité-progrès et sans arrêt s’adapter. Beaucoup ont réussi des petits et des grands mais dans notre jeu ce n’est toujours pas patent. Voyons comment le problème de fin de tournée va être abordé. Nos luttes de chapelle nous desservent de tout temps. Nos scissions droite-gauche ou les conflits de pouvoir sont désastreux, pas de jugement dans cela, juste un amer constat.

Le monde va de plus en plus vite et au lieu de s’en inspirer, on continue de bâtir sur le poids. Je suis sensible au fait que Fofana ait perdu du poids, cela ne l’empêche pas de passer au même endroit avec le même succès sa vitesse et sa vivacité constituent son ADN. Qu’est devenu Fickou, scotché sur la pelouse alors qu’il y a quelques années à Toulouse il rayonnait ? Combien de kilos sur la balance? 

Les vacances tant attendues sont arrivées, c’est une pitié que d’en entendre parler. Quand on aime son métier aller aux Antipodes devrait faire rêver pour comprendre où aller. Apprendre sans arrêt. Je ne suis pas sûr à écouter les analyses des joueurs que ce soit réellement fait.

L’écart me paraît immense pour rivaliser mais à l’impossible nul n’est tenu et impossible n’est pas français. La méthode Coué est souvent bien employée.

Nous ne pouvons qu'être patients, la passion fleure toujours bon. Dans tout ce que je dis ou écris , je ne suis pas sûr d'avoir raison. Le débat est source de lumière et un jour elle reviendra. Tant mieux pour les jeunes qui de nouveau joueront. Ce jeu m'a tellement apporté que jusqu'à mon dernier jour, je ne cesserai d'en parler.



Michel Prieu



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