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15 - Canterbury et Crusaders (23 juillet 2017)

Quoi de neuf au Canterbury?

Wellington m’a apporté une vision que je n’osais imaginer. Etre invité à entrer dans l’intimité des clubs comme je l’ai fait était inespéré. Les informations recueillies sont posées pour ceux qui veulent en profiter. Je n’ai rien à gagner dans un débat où de toute façon il est impossible de rivaliser.

Je garde espoir cependant que les informations servent à éteindre les egos; que dirigeants et joueurs de rugby en France se mettent au boulot pour faire que demain nous ayons encore notre mot à dire dans le petit monde du ballon ovale.

Au moment de programmer notre voyage, honnêtement je ne pensais pas que je pourrais comparer ce qui se passe dans chaque ville, je pensais que chacune apporterait un bout d’élément que je cherchais. Je ne savais pas non plus qu’en suivant les traces de crampons, je trouverai des amis pour demain et un sens exemplaire de la vie de ce pays. Une façon pratique de croire enfin que le sport, c’est la vie.

J’avais préparé mon sujet mais je ne savais pas comment je m’y prendrais. Alors je suis passé par le haut, c’est Steve Rogers qui a tout déclenché. Si le patron de la représentation fédérale me répondait si gentiment tout pouvait arriver.

J’ai donc commencé par le sommet pour en quelques mots se voir tissé la toile de la politique fédérale de Nouvelle Zélande. Le phare, c’est la lumière des All Blacks. Ils s’en sont donnés les moyens.


Entrer ensuite dans le détail de la vie d’un club et celui d’un collège, d’une équipe de filles et des Hurricanes s’est fait naturellement, amicalement. La cerise sur le gâteau trouver sur le terrain deux jeunes de talent qui veulent passer leur temps à aider les autres à devenir plus forts, Raphaël et Claire. Le décor est planté, c’est copieux mais à vous de jouer.


Christchurch c’est déjà autre chose. Crusaders est le club le plus capé de l’hémisphère sud en Championnat professionnel. C’est la ville où ont étudié des cracks de l’ère moderne du rugby, excusez du peu, Sir Graham Henry, Steve Hansen, Dan Carter, aujourd’hui Read… Est-ce fortuit ? On peut le penser mais à y réfléchir cela mérite de différer la réponse. Je sais seulement que je la poserai.

Ce que je peux dire en premier c’est que Christchurch a un charme particulier, pour un voyageur. Elle vous prend le cœur et ne veut plus le lâcher. Elle est bouleversée par son histoire, toujours en danger, ici vous êtes près d’une vérité. Je suis parti avec ces sentiments l’an dernier en sachant que je reviendrai et au moment où j’écris mon sentiment n’a pas changé.

J’ai vu à Westpac Stadium les Crusaders perdre leur seul match de l’année face à des Hurricanes qui n’avaient pas envie d’aller en Afrique du Sud pour tenter de gagner leur place en demi-finale du trophée qu’ils ont gardé toute l’année.

Jusqu'en 2015, Hurricanes comme Clermont fournissait des All Blacks par paquets, toujours forts sur le papier mais ne savaient pas gagner. Chris Boyd et son équipe ont tout changé depuis qu’ils sont arrivés.

Les matches de la succession vont commencer. Les poules du Super Rugby sont déséquilibrées. 4 NZ, 3 SA et 1 seul A…Les Lions Sud Africains n'ont jamais rencontrés les grosses équipes de Nouvelle Zélande pour se qualifier. Il est dommage que le sport professionnel n'ait pas encore trouvé le moyen d'équilibrer les rentrées d'argent et l'équité sportive. Je crois que c'est seulement une question de réflexion. L'argent n'est pas tout, si les stades se vident. C'est d'une part à cause de l'éducation et beaucoup parce que le spectacle n'est pas sportivement à la hauteur des attentes des spectateurs. Le sport est sur vendu par les télévisions parce que nous en avons fait un marché et oublié qu'il procure plaisir et santé. Les chaînes à péage vont finir par tout gâcher...

Crusaders a une idée bien ancrée pour la qualité de son jeu mais est au secret, pour comprendre une part de leurs manières de travailler, ce sera après le premier match couperet. Ils sont inquiets ? Ce n’est pas ce que j’ai retenu en les côtoyant à l’aéroport de Wellington dimanche dernier. Pas plus que quand je les vois traverser la rue lors d'une pause pour prendre un café ou un réconfort.

Alors j’ai adressé un mail au directeur du rugby de High School Old Boys RFC. En une demi-journée rendez-vous était pris. Jamie Livingstone (je ne sais s’il est de la famille écossaise de l’inventeur de l’impérialisme colonial) est un jeune homme solide. Comme souvent la parole à Christchurch est rare et tranchante bien que chaleureuse. Nous en avons eu encore un exemple au Théâtre Royal Izaac pour Carmen. Sobre et efficace le tempérament des gens d’ici.

Après les salamalecs la première question. En touchant son premier ballon de rugby, un enfant néozélandais rêve-t-il toujours d’être un jour All Black ? Oui, c’est toujours vrai et pas pour l’argent, pour l’honneur.

L’esprit All Black est d’abord cela, un esprit amateur. Amateur de plein de choses dans ce sommet : amateur de rêve, puis de travail et de partage. Le HSOB (emblème ours polaire) est un club amateur. Personne n’est payé pour jouer. Les joueurs paient une cotisation pour entre sur un terrain. Comme au golf ? Comme au golf.


Le club vit de son activité, celle qu’il crée lui-même, puis est aidé par ses relations avec la Canterbury Rugby Union (qui a deux Unions: Canterbury et Tasman) et de la Fédération NZ. Et des dons ou services offerts par des sponsors qu’il faut toujours chercher et encourager.

L’ombre des drapeaux des Crusaders est partout autour de nous dans le café qui nous réunit pour la première fois. Fondé en 1900 par d’anciens élèves de la Christchurch High School, le club compte 9 équipes seniors et 11 équipes juniors. Elles se découpent en quatre sections distinctes, les équipes seniors, les juniors, les féminines et les « sociaux ». Ces derniers jouent au rugby champagne, des anciens qui continuent de s’amuser.

Parmi les entraîneurs du club les All Blacks Aaron Mauger, Reuben Thorne, Richard Loe and Graeme Bachop. Le club a été à l’origine de 30 All Blacks dans son histoire.

Aujourd’hui le club se développe grâce aux contacts avec les autres écoles et les clubs de Christchurch. Des relations internationales sont liées avec les associations « old boys » qui existent partout dans les pays Anglo-saxons. Un  tour bi-annuel est organisé avec l'Argentine.

Le club a ses installations regroupées autour de Hagley Park dans le quartier de Riccarton. Immense parc de sport autour du musée et du Lycée. Les terrains du Bob Deans Fields (en hommage à un All Black, centre des Originals , mort à l’âge de 24 ans) servent pour les seniors. Les juniors sont à côté. Les locaux sont en face en plusieurs bâtiments.

Nous sommes véritablement dans un club amateur, j’y reviendrai quand j’aurai vu les équipes jouer les phases finales de leur championnat.


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La tempête s’est mêlée de tout gâcher du programme que je me proposais. Pas de juniors, pas de club amateur, impossible de se mettre à l’abri, même sous un parapluie, le vent est prêt à vous l’arracher.

J’étais en train de ruminer cela quand je suis parti au café pour voir jouer le quart de finale des Hurricanes en Australie. Ils m’ont fait faire quelque chose que je n’avais fait. Regarder le match en dansant le rock… Il aura fallu attendre presque 69 ans pour tenter…L’année érotique va bientôt commencer.


Samedi soir il pleuvait toujours, les Highlanders n’ont pas pu décoller comme ils le souhaitaient de Dunedin encore plus secouée par la tempête. Malgré tout le match va se jouer. Crusaders à une belle carte à jouer, la franchise pourrait si tout se passe bien jouer tous le play off de cette année à domicile. Si c’était le cas, ce serait Crusaders-Hurricanes.

 Les Hurricanes ont battu les Brumbies sans véritablement bien jouer. C’est un mal pour un bien, Boyd va sans doute rabâcher toute la semaine à ses joueurs qu’il faut jouer en équipe, c’est aussi l’essence du rugby.  Les Canes devront aussi digérer le décalage horaire et l’altitude. Cette dernière c’est fait, le mieux est d’arriver au dernier moment… Ce que les Français n’ont pas respecté.

Je suis en train de dire que le niveau des équipes de Nouvelle Zélande écrase le Super Rugby par le sérieux de leurs équipes. Hurricanes a une vraie chance de battre les Lions à Johannesburg. Les Lions n’ont pas vu une seule équipe NZ encore cette année !


Les Crusaders ont une sacrée équipe, bien équilibrée, lourde, puissante, dynamique devant et derrière bardée de bons finisseurs. Il manque un buteur pour la rendre intouchable. Un demi d’ouverture qui se servirait mieux de ses pieds pour alterner le jeu. Christchurch joue souvent avec des temps épouvantables. Dan Carter a fait partie de l’équipe entre 2003 et 2014 avec juste une interruption pour jouer 5 matches avec Perpignan et se blesser mais en gagnant le top 14. Avant de revenir pour mieux repartir. Cette attitude a donné des idées à ses jeunes successeurs pour mener leur carrière, mais pas toutes ses qualités.

Leur vivier de recrutement des Crusaders est ouvert sur les fédérations provinciales (Unions) de Buller, Canterbury, Mid-Canterbury, South Canterbury, Tasman et West coast.


J’ai posé la question à Jamie de savoir si c’était fortuit ou programmé d’avoir deux des piliers All Blacks du moment, Franks et Crockett. Pas du tout, c’est affaire de circonstance.

Quand vous êtes joueur et que vous voyez la composition de l’équipe des Crusaders comme hier soir, vous savez que rien ne sera simple. Déjà rencontrer la première ligne vous donne quelques sueurs. Ceux qui poussent derrière sont Sam Whitelock et Scott Barrett, calés par Kieran Read et Matt Todd…autant dire que vous jouez le pack de la meilleure équipe du monde…


Derrière encore quatre internationaux…J’ai dit que c’était une équipe équilibrée quand je les ai vu jouer à Wellington. Hier soir le choix stratégique devait être fait par Robertson dès qu’il a eu en mains les prévisions de météo locale. Pas moins de 45 coups de pieds à suivre…cela nous a permis de contempler les gouttes de pluie, Highlanders appliquant la même méthode. Les deux équipes sont habituées à jouer sous un temps pareil.

Les avants Crusaders ont pris le match en mains et ont pilonné la ligne comme savaient le faire les équipiers de Colin Meads ou Brian Lochore. La forme de jeu à juste un peu changé. Les colosses pas vraiment, car ils sont impressionnants quand vous êtes à côté.

Ils sont au secret. Demain lundi je vais tenter de passer, laisser un message, pas une bouteille à la mer. La communication ici ce n’est pas du bidon. Les gens sont intègres. C’est plus que d’être professionnel.

Quel est leur secret pour avoir tant gagné ? Ils ont leur propre académie, leurs juniors, ce sont les Knights Crusaders. Ils sont triés dans les « high schools » de toute la région et chez les juniors des clubs

Une fois repérés les jeunes des unions de la région sont entraînés comme leurs aînés. Ce que je perçois dans l’organisation des Crusaders, c’est une grande continuité. Une anticipation sur la qualité des joueurs. J’ai le sentiment qu’il y a une vraie gestion minutieuse des effectifs. Un travail minutieux de renseignement, un maillage du territoire.

Je ne peux de l’extérieur qu’imaginer une concurrence sévère entre les joueurs. L’équipe sélectionnée de l’année est de quarante-cinq joueurs environ. Des athlètes de haut niveau avec des statuts établis. Des athlètes en devenir, jeunes entraînés pour la relève, puis des plus jeunes qui sont poussés par leurs aînés régulièrement par des stages où tout le monde apprend. Etre « Crusader » donne un sens à la vie. Cela va au-delà de l’ambition.

Il est évident que tout le monde ne résiste pas à cette pression. Un joueur moyen ici (très bon mais pas suffisamment pour devenir All Black) trouvera une place dans n’importe quelle équipe du reste du monde, à la condition qu’il s’adapte à sa nouvelle vie.

J’ai déjà dit que certains bons joueurs vont accepter de jouer même en Fédérale 1, 2, ou 3 pendant qu’ils mènent en parallèle un autre projet, compléments professionnels ou études spécifiques. Jouer au rugby fait partie de leur projet de vie, je ne suis pas convaincu qu'ils parlent de métier entre eux. 

Certains All Blacks encore ont compris cela et sont partis plus tôt parce qu’ils ont sentis qu’ils seraient rapidement poussés dehors par l’arrivée des jeunes (dernièrement Ioane, Barret, Laumape). La rigueur des coaches n’est pas une légende, à chacun sa responsabilité, le coach entraîne et juge, sélectionne, le joueur s’entraîne et joue (à fond, partout). Peu de passe-droit, l’objectif affiché est de progresser pour continuer d’être performant. Les nombreux joueurs NZ qui ont joué en France ont apporté ici des informations que beaucoup de jeunes ont compris : étant bon joueur de club néozélandais on peut gagner plus en travaillant moins tout en apprenant un mode de vie nouveau. C’est vrai partout en Europe, Royaume-Uni compris surtout avec l’éclosion du rugby à 7 … Je n’aurai pas pu dire cela il y a cinq ans. Aujourd’hui c’est une réalité. Les réseaux de recrutement sont formés.

Voilà ouvert le feuilleton de Christchurch, je viens de prendre des contacts avec la Christchurch High Schools qui reprend l’école demain. Si le temps le permet je vous parlerai des HSOB et surtout continuer d’obtenir des renseignements sur la vie réelle des Crusaders.



En arrivant au bout de cette première impression sur les petites différences rugbystiques entre Wellington et Christchurch j'ai oublié de parler de l'école des referee. Le Canterbury en fait mention partout. Une rubrique spéciale existe pour eux sur le site de la fédération provinciale. Le nombre des arbitres est très important, ils interviennent sur tous les matches. Les jeunes joueurs sont formés mais les jeunes arbitres aussi.  Dans leur chemin, accompagnés de leurs rêves, les enfants comprennent très tôt leurs limites, consciemment ou inconsciemment. Certains se dirigeront sur une voie d'entraîneur, d'autres vers l'arbitrage. Et ils passent leur degrés de compétence accompagnés par chaque club qui doit présenter des candidats à tous les niveaux des équipes. Sélection des Unions pour passer les degrés jusqu'à l'International...

A suivre donc !

Michel Prieu

Le blog voyage : nouvellezelandeleretour.blogspot.com




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