LE CLUB DE RICHIE Mc CAW
Ce
voyage m’a déjà réservé mille surprises et en voilà une de plus. L’an dernier
en été, en pensant au golf, j’étais passé à côté du Stade d’entraînement des Crusaders et aussi des
terrains du Christchurch Football Club sans les remarquer. Comme quoi le rugby peut faire
découvrir les choses importantes d’un pays, les lieux certainement mais aussi
les hommes, parfois leurs modes de vie. C’est ce qui cette fois m’a attiré ici.
Je
voulais voir de « petits clubs » pour comprendre le jeu des
franchises. Voir comment on devient All Black, pourquoi certains sont éphémères
et pour quoi d’autres prennent racine dans la plus forte équipe du monde.
Evidemment
que je savais avant d’arriver ici que je trouverais les clés à l’école, au
College, High School peut être Université, l’éducation je le sais, j’en ai
largement expérimenté les bienfaits, à l’anglaise ou peu s’en faut, j’en
connais les effets.
Quand
j’ai poussé la porte du Christchurch Football Club je cherchais quelqu’un pour
parler. Un jardinier s’occupait de réparer les dégâts de la tempête et
préparait ses rosiers pour le printemps. Un club house coquet et devant les
terrains de rugby. En passant par une porte j’ai vu le nom de Mike O’Donovan
mais surtout sa fonction « Rugby Development Manager ». Pas un nom
étranger, une mission qu’ailleurs dans ce pays j’ai pu apprécier. C’est à lui
que je voulais parler.
Il
suffisait d’être patient pour le rencontrer, pas difficile à deux pas de la
maison, je finirai bien par le trouver. En rentrant je pestais de n’avoir pas
trouvé les Crusaders, toujours au secret. J’ai bien vu Robertson discuter avec
un groupe de visiteurs aux couleurs du Canterbury mais pas un joueur sur le
terrain. Je tenterai ma chance jeudi après-midi. Pas de place convenable non
plus pour la demi-finale, je verrai le match à la télévision.
Pourquoi
suis-je entré dans ce club ? En ouvrant son site internet j’ai
immédiatement trouvé, c’est le premier club où Richie Mc Caw à joué en arrivant pour suivre ses études universitaires.
J’ai eu en plus de découvrir le site très documenté du club de
faire la connaissance de Tony Murdoch qui est l’historien du club. Pour le 150ème
anniversaire de la naissance du club, il a écrit un livre qui retrace la vie du
club depuis son origine. Il est documenté avec la rigueur des historiens. Il y
conteste le fait que le première rencontre de rugby en Nouvelle Zélande se soit
passée à Petone au fond de la baie de Wellington. Le premier match organisé avec
des règles du rugby aurait eu lieu ici à Christchurch. Je ne doute pas qu’un
jour vu le niveau des études universitaires pour devenir coach de rugby dans ce
pays un doctorant ait l’idée de faire une thèse sur le sujet.
J’ai le plaisir d’emprunter quelques passages d’informations
données par Tony dans la suite de cette page….mais pas que.
Lorsque
venant de Ottago High School à Lincoln University comme la plupart de ses
copains, les Old Boys l’attendaient. Mais c’est à Christchurch Park qu’il est
venu grâce à son contact franc et ouvert avec M. Mutchin . Ce choix montre déjà
sa différence d’avec ses copains. C’est le 31 ème All Black passé dans le club (32ème
Matt Todd -Crusaders) et le 5ème capitaine. Les précédents
capitaines AB étaient des universitaires aux diplômes élevés, avocats,
comptables.... en filigrane comme souvent en pays Anglo-saxon, une carrure de
dirigeant.

Et là est bien notre problème français. De mon point de vue, l’éducation est toujours liée au
jeu (c'est encore plus vrai aujourd'hui qu'il y a 50 ans). Si un gamin est très bon dans son sport c’est qu’il est intelligent et
réciproquement. Comment faire éclore ce talent? Les coaches d’ici font attention à ce fait et comme le
professionnalisme n’est pas développé à l’extrême, la notion de reconversion
même pour les meilleurs est une constante de la vie des clubs. Le chairman
recherche des sponsors mais aussi des emplois pour attirer des joueurs.
Et tout part de la formation de base en club des relations avec
les écoles et collèges de proximité. Les coaches et les scouts qui suivent sans
arrêt les matches prennent des informations pour suivre et gérer les nouvelles
générations. Un trou devait exister puis que tous ont aujourd’hui opté pour un
suivi des moins de 21 ans, c’est-à-dire des jeunes gens matures qui peuvent
intégrer les clubs professionnels (significativement 14x45 sur 65000 seniors).
Où est notre erreur ? Dans la faiblesse de l’organisation. Je vois ici des
gens passionnés qui en plus de leur boulot journalier donnent de leur temps pour leur club.
Le chairman fait la vaisselle en plus de s’occuper de ses invités et du temps
qu’il a passé avec moi.

« Les
choses personnelles passent après les performances de l’équipe » répétait
Capitaine Richie Mc Caw.
A
peine sorti de Christchurch Footbal Club, recruté par les Crusaders et
Canterbury RU son palmarès est monté en flèche (et ne s’est jamais arrêté
depuis ) :
« Vainqueur
du NPC
Elu
joueur du NPC pour sa 1ère participation
Elu
joueur Néo-Zélandais de l’année des- ses 21 ans
Fait
ses débuts avec les All Blacks pour sa 1ère année professionnelle, et … 8
minutes de Super Rugby seulement. Il est le 1014ème All Black de l’Histoire
Elu
« Homme du match » pour son 1er match avec les All Blacks. »
Fermez
le ban !
Richie
Mc Caw a une autorité naturelle, le « mana » des Maoris à tel point qu’il a eu
l’honneur (pour un pakeha) de mener le haka, un fait rarissime pour honorer son
aura.
Il
a tourné la page au juste moment pour lui : une grande classe, un jour de
victoire. C’est un boss de la BNZ. Il participe au comité adhoc de la
fédération à l'élaboration du jeu et du fonctionnement des All Blacks. « C'est
lorsqu'il n'est pas là que l'on s'aperçoit de son importance, tant les
capitaines suppléants semblent manquer d'envergure » (Libération).
Ce
qui m’impressionne chez cet homme, c’est sa solidité mentale, son humilité, son
extrême lucidité, son sens des responsabilités. Capitaine de devoir comme Jean
Prat ou Lucien Mias l’entendaient. Je suis ici au même climat du rugby que lors
de mes jeunes années. Je n’entends et ne vois que des amateurs au plein sens du
terme, dirigeants et joueurs pour le plaisir de jouer. Du sport, du vrai. Les
professionnels ? C’est qu’ils sont plus doués, des exceptions, normal
qu’ils soient payés, mais je suis sûr d’une chose, ils aiment leur métier.
C’est un aboutissement pour leur carrière. Ils ont toujours en tête l’après
rugby, les éducateurs ne les lâchent pas avec cette exigence.
Qu’ont
fait de cette fierté leurs successeurs à CFC ? C’est Mike O’Donovan qui le
dit simplement « faire des jeunes
gens, filles et garçons de bons joueurs de rugby mais surtout des hommes et des
femmes meilleurs pour toute leur vie ». C’est dit calmement dans un
froid de canard et avec une lueur gourmande dans les yeux, une conviction, une passion qui
font chaud au cœur d’un vieil amateur.
Mike
est le « Rugby Development Manager », appointé par le club. Irlandais
d’origine, il a passé ses degrés de compétence avec la CRU. Son job c’est
d’organiser la vie du rugby du club pour les équipes de championnat régional
filles et garçons seniors mais surtout les jeunes.
L’histoire
du club est considérable, deuxième club né en 1863, 32 All Blacks dont 5
capitaines sont passés dans CFC. Le plus long chairman en poste à la
Fédération qui a réglé des crises, relancé le leadership des All Blacks qui
avait dévié de ses valeurs en 1995 et gagné l’organisation de la coupe du monde
de 2011 en Nouvelle Zélande. Suite à une leucémie il s’est éteint en 2012. A
croire que ce club crée des patrons !
Tous
les coaches sont des volontaires, aucun n’est rémunéré. Pour les joueurs, c’est
la même chose comme partout en pays kiwi. Mike est en relation étroite avec les
écoles comme avec le club des Crusaders. Plusieurs professeurs sont de coaches
avec lui. Il a plusieurs jeunes joueurs à l’académie des Knights Crusaders et quand il
veut une entrée auprès des coaches des All Blacks, Matt Todd peut lui donner un
coup de main.
Ce
maillage des compétences et des relations apaisées est assez impressionnant en
termes d’organisation. Mes habitudes d’écoute d’ancien consultant me laissent
penser que cela est venu d’un long travail dans l’histoire du club où les
valeurs humaines sont très fortes. Le travail de Tony Murdoch avec les
interviewes qu’il a menées pour son livre font appel à une passion qui ne peut
que se retrouver chez les joueurs. L’impression que ces valeurs du passé ont
été oubliées en France mais sont toujours d’une grande vivacité ici.

Avec
un tel passé et une organisation moderne les trophées ornent les murs de
l’entrée jusqu’à la grande salle du Club House. Salle fonctionnelle qui sert de
restaurant comme de salle de réunion pour les assemblées, les réceptions mais
aussi pour voir entre fans les matches des All Blacks ou des Crusaders.
Un
club aux valeurs affichées et partagées. Richie McCaw ne s’était pas trompé en
venant ici. Son humilité l’empêchait d’imaginer quelle serait sa trajectoire
mais ce club l’a sûrement aidé à affermir les valeurs qu’il portait.
Ce
club est sérieux, il administre le rugby, le samedi y est vivant mais ne va pas
au-delà. Owen Franks disait cette semaine dans le journal qu’il lui fallait
après un match âpre comme contre les Highlanders deux jours pour récupérer.
Bains chauds et froids et massages. Mais surtout s’occuper de ses enfants pour
se vider le rugby de la tête. Il semble que tout le monde applique la même rigueur. Les supporters d’ici ne sont pas aussi
enthousiastes pour leur équipe qu’à Wellington. Question de caractère ?
Problèmes autres avec les épreuves de la vie ? Sans doute des deux, il me
semble que les gens d’ici en étant tout à fait charmants sont moins volubiles
qu’à Wellington.
Le
fait que les Crusaders aient fermé leur centre de formation n’y est pas pour
rien non plus. Leur jeu est équilibré et sérieux un homme clé dans chaque
ligne. Stratégie assez limpide et avantage très net du 5 de devant, celui des
AB…
Cette
forme de jeu se retrouve dans le jeu amateur. A CFC, j’ai vu des matches de D3
du club avec un spectacle tout à fait convenable. Le jeu est moins flamboyant
que celui des équipes qui entourent la franchise des Hurricanes. Le terrain
était plus que difficile même s’il faisait beau. Idem pour les
« socios », les vétérans toujours amoureux de leur jeu à plus de 40
ans, ils « s’envoient » comme à la télé. Nous ne sommes pas à
toucher.
La
chance aussi de remarquer cela avec la finale du Challenge Hawkins entre
Lincoln University et Christchurch University. Deux belles équipes avec des
joueurs jeunes et aussi matures (des forts en thèmes). Belle rencontre animée
avec 7 essais. Jeu déployé, belle alternance, beaucoup d’initiatives. Belle
circulation du ballon, quelques erreurs de main et de jugement parfois. Un peu de fébrilité, l’enjeu était d’importance sur la ville et la région.
Quelques
individualités de plus à Lincoln, le demi d’ouverture, un jeu au pied sûr et
long, qui sait prendre la ligne d’avantage et faire jouer, mais surtout le 3ème
ligne , N°7, petit parmi les autres mais coureur, plaqueur et
récupérateur…c’était le poste de Richie en son temps dans la même Université.
Christchurch
est donc très différent de Wellington. Une approche moins décontractée plus
carrée du jeu mais aussi de la vie. Une approche commerciale des matches qui
n’est pas très précise. Je n’ai vu ici aucun match à Ami Stadium avec le plein
et un enthousiasme débordant. Cela tient au caractère des gens.
Lors
de la demi-finale les billets étaient passés de 60 à 75 DNZ mais il n’était pas
possible d’avoir les places que l’on voulait…Nous sommes restés devant la télé.
Le stade était de ce fait loin d’être plein. Dommage pour les joueurs… qui vont
pouvoir montrer ce qu’ils valent à Johannesburg.
Le Super rugby 2017 va vivre son épilogue, je vais en parler bientôt.
Michel Prieu
Blog voyage: nouvellezelandeleretour.blogspot.com
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire